Un regard, une image

 

 

 

Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à mort

 

 

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La toile est une de ses dernières compositions de l'artiste peinte deux ans avant sa mort. Elle clôture brillamment les nombreux sujets consacrés à la fable et à l'histoire que le peintre a soumis au public au cours de sa carrière. Les thèmes égyptiens ont été rarement traités par l'artiste, ce qui fait le prix de cette création.

Cléopâtre, dont la flotte ainsi que celle d'Antoine son amant a été vaincue par Octave à Actium, s'est réfugiée à Alexandrie où elle attend son vainqueur. Il est hors de question de figurer dans le triomphe que Rome va réserver au nouvel empereur, comme ce sera le cas pour ses enfants. La reine décide de se suicider et pour ce faire recherche le poison le moins douloureux (en fait elle se fera piquer par un serpent venimeux).

L'artiste a représenté la reine affalée sur un divan juché sur une estrade, un lynx (un léopard?) ronronnant à ses pieds. Elle contemple, la scène cruelle qui se déroule au second plan dans une cour du palais : un condamné à mort a qui l'on a administré le poison agonise, tandis que deux esclaves enlèvent le cadavre d'une autre victime. On remarquera que Cabanel exile au second plan l'action la plus violente de la scène pour se concentrer sur la reine et sa compagne qui sert de faire valoir.

Cabanel, s'est astreint à une étude minutieuse du monde égyptien : La colonnade du fond inspirée des temples d'Edfou, la vêture de la reine – remarquer sa coiffure empruntée aux pharaons, les deux fleurs de lotus et de papyrus qu'elle tient à la main, ses bijoux –, au-dessus du meuble la base des colonnes. Tout est exact et pourtant rien n'est vrai. On a l'impression d'être devant une scène d'opéra : Cléopâtre était grecque, descendante d'un compagnon d'Alexandre le Grand, elle vivait dans un palais grec dont les colonnades n'étaient pas formées de piliers en forme de lotus, quant au dosseret du divan il évoque plus le style « Retour d'Égypte » que le mobilier antique...

Mais cette image dramatique d'une femme belle et encore jeune, impassible, préparant sa fin et ne reculant pas devant le crime, ce décor chatoyant, la virtuosité de la facture séduisent encore. Ils amusent aussi comme on pourrait sourire des drames joués par Sarah Bernhard...

L'oeuvre s'inscrit dans un courant international qui tente de reconstituer la monde antique et ses héros avec plus ou moins de sérieux et de bonheur : le Hollandais Alma Tadema qui fit carrière à Londres ses jeunes Athéniennes drapées dans des tissus liberty ; Lus-Olivier Merson ; Hans Mackart à Vienne etc.

En attendant que le cinéma ne prenne la relève...

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

Alexandre Cabanel : Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à Mort

Anvers, Koninglijk Museum voor shone Kunsten © Lukas-Art in Flanders VZW

 

 

 

 

Alexandre Cabanel, 1823 – 1889

La tradition du beau

Jusqu'au 5 décembre 2010

Musée Fabre

39, boulevatd Bonne Nouvelle – 34000 Montpellier