Un regard, une image

 

 

En marge des expositions de Bruxelles et du musée du Luxembourg à Paris

Lucas Cranach

                          La Mélancolie

 

 

 

 

mlancolieUn espace géométrique quasiment abstrait, est occupé par une jeune femme ailée taillant une branche en pointe, un chien étendu, une boule, deux perdrix, trois chérubins nus et une table sur laquelle sont posées une coupe d'or ouvragée couverte et un plateau rempli de fruits... Éléments disparates d'un discours dont il faut posséder les clés pour le comprendre aujourd'hui. Par le grande ouverture, on aperçoit un autre amour qui joue à la balançoire tandis que dans un nuage noir une horde de sorcières et de succubes foncent sur un de ces paysages merveilleux dont le peintre avait le secret.

 

Cet étrange tableau, signé et daté de 1532, fait référence à une gravure célèbre de Dürer la Mélancolie. Gravure que Cranach connaissait fort bien puisque le Frédéric le Sage en avait reçu trois exemplaires de Dürer lui-même. Cranach reprend quelques éléments de la composition touffue de son contemporain en l'allégeant et en en retournant le sens de manière péjorative. Alors que le peintre de Nüremberg avait fait de la Mélancolie méditant au milieu d'objets et de personnages symboliques l'emblème positif de la création, Cranach, adoptant la vision de Luther, lui, n'y voit que complaisance envers soi-même mère de tous les vices, il retourne l'image : la jeune femme ailée, différentes de la belle figure méditative du graveur, taille une branche, occupation absurde et vide ; les perdrix, symboles de luxure picorent, le chien se repose au lieu de veiller, les enfants tous occupés à jouer sont indifférents à la déferlante démoniaque. Pour Luther, on doit lutter contre la mélancolie en agissant et en soignant son corps de nourritures – la coupe ouvragée, le plat de fruits.

 

De 1528 à 1534 le thème a plusieurs fois retenu l'attention du peintre qui en donne, à partir des mêmes éléments, des versions différentes tant par le format que par les proportions. L'exemplaire de Colmar est un des plus achevés et les plus réussis.

 

On remarquera le charme de la figure féminine typique avec son menton rond, ses yeux en amandes, sa poitrine pigeonnante, seuls les cheveux en désordre et la couronne disposée de guingois, disent son esprit profondément perturbé.

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

Le monde de Lucas Cranach

Un artiste à l'époque de Dürer, Titien, Metsys