Un regard, une image

 

 

Jean Barbault, Fille dotée

 

 

 

 


Jean Barbault, Fille dotée

 

 

filledoteeΑ Rome au XVIIIe siècle, il était d'usage que chaque année la confrérie della Annunziata dote plusieurs jeunes filles pour faciliter leur mariage ou leur entrée au couvent - ne pas oublier que les Religieuses étaient et sont encore les épouses mystiques de Jésus Christ. Le 25 mars, elles devaient se rendre en procession à Santa Maria Sopra Minerva pour assister à une messe pontificale. Elles revêtaient pour l'occasion un grand voile blanc qui les couvrait toutes entières et ne laissait voir qu'une partie du visage. Plusieurs peintres ont représenté ces jeunes filles. Le thème a tellement séduit Jean Barbault qu'il en a peint plusieurs variantes sans doute aussi à la demande de ses clients : dans un paysage ; dans un intérieur à côté d'un brasero (allusion au foyer des Vestale de l'ancienne Rome?) ; cette version est la plus surprenante, où, dans un paysage sombre, nuageux, préromantique, la jeune femme se dresse tel un fantôme. On remarquera la ruine romaine inspirée par l'attique du forum d'Auguste, le jeune arbre élancé courbé par le vent qui a certainement une signification.

La Fille dotée, altière, toise le spectateur. Un grand voile blanc qui l'enveloppe presque entièrement ne laisse voir qu'une partie du visage, rapidement esquissé comme souvent chez le peintre. Elle tient à la main un chapelet de corail qui jette une note de chaleur dans un tableau aux couleurs froide. La silhouette exagérément élancée, selon un canon quasi maniériste, est typique de l'artiste. Enfin, on admirera la subtilité du blanc, sans doute la couleur la plus difficile à rendre pour un peintre.

La Fille dotée appartient à la série de types italiens que le comte de Vandières avait commandé au peintre lors de son séjour à Rome en 1750. L'exemplaire reproduit ici, qui n'est pas l'original mais une variante comme l'artiste avait coutume de le faire car il n'aimait pas se copier, est le plus original par son atmosphère mélancolique.

Jean Barbault appartient à cette génération d'artistes entre le baroque et le néoclassicisme qui cherche sa voie. Ses contemporains, Joseph-Marie Vien, Jean-Baptiste Marie Pierre, Joseph Vernet, Noël Hallé, ses confrères plus jeunes, Jean-Honoré Fragonard, Hubert Robert, vont inventer un langage pictural nouveau. Sa mort précoce l'a sans aucun doute empêché de participer à l'aventure... Cette belle image nous le fait regretter...

 

 

 

 

 

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

Fille dotée, © Petworth, collection Lord Egremont

 

 

 

Jean Barbault (1718-1762)

Le théâtre de la vie italienne

21 mai-22août 2010

Galerie Heitz, Palais Rohan

Musée des Beaux-Arts de la ville de Strasbourg

2, place du château, Strasbourg

Tél. : 03 88 52 50 00

Internet : www.musees-strasbourg.org

Publication : Jean Barbault (1718-1762) – Le théâtre de la vie italienne.- Strasbourg, 2010, Musées de la ville de Strasbourg, 208p., 29€