Expositions

 

 

Vagues de renouveau

Gravures japonaises modernes 1900 - 1960

 

 

 

 

Le musée Nihon ne Hanga d'Amsterdam est la seule institution européenne à conserver un ensemble cohérent de gravure japonaise du XXe siècle, de 1900 à 1960. La fondation Custodia de Paris, à l'occasion de l'année du Japon, offre une large sélection – quelques deux cents pièces - de cet art sous le titre Vagues de Renouveau. Pour les parisiens se sera une découverte et une surprise tellement il allait de soi qu'après l'incroyable floraison de l'estampe japonaise au XIXe siècle cette production ne pouvait que péricliter.

 

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Si l'influence des gravures japonaises dans l'art européen de la seconde moitié du XIXe siècle est un mantra de l'histoire de l'art, l'inverse c'est à dire l'influence de l'art occidental sur le Pays du Soleil Levant est beaucoup moins évidente et surtout bien moins connue. Dès la fin du XVIIIe siècle, les Portugais qui jouissaient de l'exclusivité des échanges avec le pays avaient bien importé des gravures qui n'étaient pas sans avoir eu quelque influence sur les créateurs japonais. Hokusai et Hiroshige, par exemple, avaient adopté certaines règles de la perspectives dans leurs paysages, mais tout cela était encore très limité. Après la révolution de 1868 au cours de laquelle l'Empereur reprend le pouvoir aux shoguns, le Japon – bon gré mal gré – s'ouvre à l'extérieur, on a appelé cela l'ère Meiji (pouvoir éclairé). En ce qui concerne le domaine artistique, le pays se met à l'école de la modernité sans pour cela renoncer à ce qui faisait son originalité. On ouvre des écoles - auparavant la formation se faisait dans l'atelier des maîtres - et on engage des peintres européens, essentiellement des Italiens, pour transmettre le nouveau savoir faire ; de leur côté les jeunes artistes font des séjours plus ou moins longs en Occident, voire s'y installent définitivement ; que l'on songe à Foujita qui fit toute sa carrière à Paris.

 

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L'art traditionnel de la gravure japonaise reposait sur le travail de plusieurs personnes. En premier lieu, il y avait l'artiste qui dessinait le motif et signait l'œuvre, son rôle était fondamental mais il devait faire appel à d'autres intervenants au cours des étapes suivantes dont l'intervention était tout aussi importante : en premier lieu le graveur qui, à la gouge, travaillait les plaques de bois ; une pour le dessin en noir et blanc, et les suivantes pour chaque couleur ; un travail d'une haute technicité demandant dextérité et finesse. Ensuite, capitale elle aussi mais peu connue, venait l'intervention de l'imprimeur. Le tirage n'avait rien de mécanique, car l'ouvrier ne se contentait pas de faire une simple impression, au contraire par un jeu subtil dans l'intensité et les variations des couleurs, chiffon humide à la main, il obtenait des effets très différents. Cette impression pouvait ensuite être enrichie d'effets en jetant pas exemple de la poudre de mica ou d'autres matières destinées à faire vibrer les fonds à augmenter le velouté des surfaces colorées. Une vidéo explique ce mécanisme au sous-sol de la fondation.

 

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Les techniques traditionnelles perdurent en cette première moitié du XXe siècle et connaissent un renouveau en se vivifiant au contact des productions occidentales et s'enrichissent en se frottant à d'autres techniques que de nombreux artistes adoptent : la lithographie, la gravure sur métal et même les procédés de reproduction industriels. Et en ces domaine les artistes japonais rivalisent avec leurs émules occidentaux sur leur propre terrain : la Femme nue deboutde Oda Kazuma (1882 - 1956), lithographie de 1922, toute en hachures subtiles supporte très bien la comparaison avec les meilleurs œuvres de notre Pierre Bonnard.

 

Quelques créateurs japonais, en rupture avec la tradition et adoptant la notion occidentale de l'œuvre comme l'expression d'une sensibilité personnelle, vont bousculer ce schéma et se charger seuls de tout le processus. Ces derniers artistes réunis sous le nom Sõsaku banga « estampe créative » produisent des œuvres plus spontanées, voire empreintes d'un certain brutalisme, ils sont en rupture totale avec une tradition qui privilégie un certain perfectionnisme. C'est ainsi avec surprise que nous découvrons des Bretonnes se baignant de Yamamoto Kanae (a-t-on jamais vu des Bretonnes nues barbotant au milieu des rochers !), très nabi d'esprit et de facture, marie avec bonheur le synthétisme des formes à l'expressivité des couleurs assourdies.

 

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L'iconographie se renouvelle avec l'adoption de sujets tirés dans la description de la vie moderne, le nouveau visage des villes, les nouvelles façons de se vêtir : ce n'est pas sans certain amusement que nous voyons de charmantes japonaises au fait de ce qui se faisait en matière de mode à New York, Londres ou Paris, danser, prendre le thé, voire se livrer à quelque danse acrobatique. Un certain réalisme s'impose au sein de la production traditionnelle : ces geishas nues quelque peu celluliteuses, ces visages burinés des portraits et même des auto-portrait - autre innovation -, ces vues de ville à la perspective impeccable, ces paysages superbement synthétisés en masses franches à la limite de l'abstraction. L'art de la gravure au Japon à cette époque que ce soit sur le mode traditionnel ou dans les nouvelles expressions techniques est d'une étonnante diversité et surtout d'une merveilleuse liberté.

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

- Ishikawa Toraji (1875-1964), L'Ennui, issu de la série Dix types de nus féminins, 1934, gravure sur bois en couleurs

- Sakamoto Hanjiro (1882-1969), Vue du port de Kami, Genkainada, 1918, gravure sur bois en couleurs

- Kawase Hansui (1883-1957), Hiver dans les gorges d'Arashi, issu de la série Souvenirs de voyage, deuxième série, 1921, gravure sur bois en couleurs

- Yamamoto Kanae (1982-1946), Bretonnes se baignant, 1913, gravure sur bois en couleurs. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vagues de renouveau

Estampes japonaises modernes 1900-1960

jusqu'au 6 janvier 2019

Fondation Custodia, collection Frits Lugt

121, rue de Lille, 75007 Paris

- Tél. : 01 47 05 75 19

-www.fondationcustodia.fr

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- Horaires et tarifs : tous les jours sauf le lundi de 12h à 18h. ; Tarif, 10€, tarif réduit, 7€

- Publications : Chris Uhlenbeck, Amy Reigle Newland et Maureen de Vries : Vagues de renouveau, estampes japonaises modernes (1900 – 1960).- Paris, 2018, Fondation Custodia, 536 p., près de 400 ill., relié, 49€. Petit fascicule d'aide à la visite de 72 p., gratuit.