Expositions
Andrea Appiani
peintre de Napoléon en Italie
L'air embaume délicieusement. Les fragrances des iris en fin de floraison se mêlant au parfum des roses anciennes qui débutent, les jardins de la Malmaison sont un enchantement en ce printemps et c'est une raison supplémentaire de s'y presser ainsi qu'au Bois-Préau voisin pour faire la connaissance du peintre de Napoléon en Italie, Andrea Appiani (1754-1817). Malgré un mérite certain, on se demande ce qui a pu pousser les organisateurs à exposer un artiste, superbement ignoré des histoire de l'art françaises, dont le faire et l'inspiration paraîtront bien fade en comparaison de ce que pouvaient faire ses contemporains parisiens. La comparaison du superbe tableau de Gros Bonaparte au pont d'Arcole avec Le Général Bonaparte et le génie de la Victoire gravant ses hauts faits à le bataille du pont de Lodi 1796 de l'Italien est éclairante : d'un côté la maigre figure du jeune général ébouriffée par le vent de l'épopée force les portes de la légende, de l'autre un benêt fagoté dans un costume trop grand fait face à une dame en péplum tout occupée à écrire sur un bouclier ses hauts faits, l'exploit étant exilé à l'arrière-plan... Cependant, nonobstant ce type de tableau, son interprétation du néoclassicisme moins « virile », plus suave, peut-être plus poétique et sans conteste moins intimidante que celle de David et de ses émules n'est pas sans mérite. L'exposition qui regroupe, peintures, dessins, fresques, gravures, sculptures et médailles retrace l'itinéraire d'un artiste prolifique qui fut à la fois un peintre officiel, un décorateur prolixe et aussi un illustrateur de l'intime, finalement un artiste aux facettes multiples.
Appiani était un grand admirateur du peintre de la Renaissance Le Corrège, mort jeune à trente cinq ans, célèbre pour la douceur de sa touche et la poésie de ses compositions. L'artiste n'abandonna jamais, même dans ses compositions les plus classiques, les plus ambitieuses, le sfumato du maître au point d'en faire sa marque de fabrique ; affabilité de facture qui ne l'a pas toujours protégé d'une certaine mollesse. La très jolie Vierge à l'enfant (1785/90) qui ouvre le parcours, intemporelle dans son classicisme, d'une douceur charmante – voir le sourire béat du bambin blotti dans les bras de sa mère - est vraiment très séduisante et nous aide à comprendre son succès. Le peintre devient très vite un portraitiste recherché que se dispute la bonne société de Milan. Il s'essaye au paysage (les deux petits tableaux exposés ici ne convaincront personne, il fit bien d'abandonner le genre). Décorateur couru et fécond, il est partout, à la ville, à l'église, au théâtre où il fait preuve d'une grande dextérité et d'une inspiration sans cesse renouvelée. Un autre aspect de sa production convaincra plus sûrement le visiteur : la fresque. Appiani couvre plafonds, parois et coupoles des palais et églises de peintures avec une faconde et une aisance séduisantes. Hélas, ici nous devrons nous contenter essentiellement de photos et de dessins. Deux exceptions Europe enlevée par le taureau (1784-1786), tempera sur toile, faisant partie d'une série de quatre panneaux décoratifs sur les heurs et malheurs de la mortelle peints pour G. F. Castelbarco et Apollon et Daphné(1795) destiné au petit temple néoclassique érigé dans le palais Sannazzari della Porta. Ici il abandonne ce faire lisse léché au profit de la facture vive, hachée de la détrempe ; le dynamisme des deux sujets font regretter l'absence ici d'autres ensembles qu'ils soient profanes ou religieux. Les études dessinées tentent de pallier ce manque : on notera le travail pour l'écoinçon de l'église baroque des Miracoli, à Milan, représentant Saint Jean l'évangéliste. Si l'œuvre finale a souffert des ans on appréciera l'autorité et la vivacité des études à la plume ou au fusain.
La carrière d'Appiani était déjà à son zénith quand il rencontra Napoléon au lendemain de la bataille de Lodi le 10 mai 1796. Outre l'allégorie dont il est parlé plus haut, l'exposition réunit une série de portraits officiels commandés par le nouveau président de la République cisalpine, puis roi d'Italie (Napoléon) son épouse Joséphine et ses représentants sur place : son beau-fils Eugène de Beauharnais et son épouse la princesse de Bavière. Ces effigies ont les défauts et les qualités de ce genre de production. Ici la vêture a plus d'âme que le personnage... On se penchera plutôt sur son travail de décorateur au palais royal de Milan. Malheureusement l'œuvre la plus novatrice n'est plus, la longue bande qui ornait la salle de bal du palais a été détruite lors des bombardements de Milan en 1943. Peinte à la détrempe elle représentait les épisodes de la conquête de l'Italie du nord, l'expédition d'égypte, l'instauration de la République cisalpine, les débuts de l'Empire jusqu'à la bataille de Friedland. Napoléon l'avait fait copier en gravures, exposées ici. L'influence de l'antiquité est flagrante, on songe aux spirales historiées des colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle, ou encore aux frises ornant le haut des cellas des temples. Nous admirerons, l'habileté des mises en scènes, la variété des attitudes, la virtuosité d'une narration qui n'ennuie jamais en dépit d'un scénario assez convenu (c'est la loi du genre).
Nous l'avons déjà dit Appiani fut le portritiste de toute la société du nord de l'Italie. Disons qu'il était plus inspiré par les dames que par les messieurs qui sont bien solennels et parmi les premières il avait un net penchant pour les créatures à la vie compliquées : Madame Hamelin, la comtesse Regnaud de Saint-Jean d'Angely, la danseuse C. Pitrot... Lui-même entretint une liaison avec une danseuse de la Scala, Costanzo Bernabei, liaison qu'il régularisa quand elle tomba enceinte. Ces dames sont nettement plus vivantes et plus charmantes que leurs dignes consœurs. Manifestement elles l'ont inspiré. Pour les portraits masculins, seul celui qu'il fit d'Antonio Canova, à la facture moins léchée, plus spontanée, celui du scénariste Paolo Landriani, ou du collectionneur Giuseppe Vallardi, échappent au morne ennui généré par les autres – Il ne réussit même pas à vivifier Murat qui pourtant avait une trogne intéressante.
Andrea Appiani, artiste inégal, assez injustement représenté puisque la partie la plus intéressante de sa production ne peut, par définition, être exposée, mérite quand même une visite ne fut-ce que pour connaître ce qui se faisait en dehors de Paris. Il y a un immense territoire de l'histoire de l'art pratiquement inconnu à dévouvrir : tous les pays d'Europe avaient leur portraitistes, leurs fresquistes, leurs graveurs. Saluons ce premier pas...
Gilles Coÿne
1 – Madone adorant l'enfant endormi, huile sur toile, vers 1790, © Fondazione Brescia musei, Pinacoteca Bosio Martinengo, Brescia.
2 – Entrée des Français dans Milan, extrait des Fastes de Napoléon, 24 gravures reproduisant la longue bande peinte décorant la salle de bal du palais royal de Milan, 1800 – 1807, eaux fortes, © Musée national des châteaux de la Malmaison et de Bois-Préau
3 – La toilette de Junon, huile sur toile, 1803-1810, © Fondazione Brescia musei, Pinacoteca Bosio Martinengo, Brescia.
Andrea Appiani.
Le peintre de Napoléon en Italie
Jusqu'au 18 juillet 2025
Musée national des châteaux de la Malmaison et de Bois-Préau
Château de Bois Préau
18, avenue de l'Impératrice Joséphine, 92500 Rueil-Malmaison
- Tél. 01 41 29 05 55
- Internet Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- Horaires et tarifs : Bois-Préau, tous les jours sauf mardi de 13h à 18h nocturne le jeudi jusqu'à 21h. Pour la Malmaison, tous les jours de 10h à 12h30 et de 13h30 à 17h45, jusqu'à 18h15 les samedis et dimanches du 1r avris au 30 septembre. Tarifs Bois-Préau 8€, La Malmaison 8€, tarif couplé, 11€. Gratuité et tarifs réduits consulter le site.
- Publications : Catalogue, 224p., 175 ill., 40€
- Programmation culturelle, cpnsulte le site du musée.