Expositions

 

 

 

Rubens

Portraits princiers

 

 

 

 

Autour de la parentèle de la reine de France Marie de Médis, les Habsbourg, les Bourbons, les Médicis et avec comme figure centrale Rubens qui fut leur chroniqueur privilégié, le musée du Luxembourg organise une exposition sur les portraits princiers durant la première moitié du XVIIe siècle. Exposition intéressante mais dont les caractère d'urgence échappera peut-être à beaucoup. Marie de Médicis, trône ici en compagnie de ses parents, de ses enfants et de leurs conjoints ; ici où elle est maitresse des lieux, puisqu'elle fit construire le palais du Luxembourg voisin, aujourd'hui siège du Sénat, et commanda au maître d'Anvers, alors au sommet de sa gloire, une série de peintures destinées à illustrer l'histoire de sa vie. Ces grandes toiles, un des sommets du Louvre, racontent en épisodes ampoulés les étapes dérisoires d'une princesse, sotte, laide, égoïste et bornée, qui ne dut la fortune de son destin qu'à l'argent de sa famille et l'impécuniosité de la couronne de France. Magie de la peinture... Fulgurance du génie qui transcende tout et transforme en or la réalité la plus sordide... Malheureusement au lieu de ces grandes compositions in-déplaçables et que l'on peut admirer à moins d'un kilomètre de là au Louvre nous devrons nous contenter de quelques tapisseries tissées au début du XIXe siècle et de gravures et dessins.

 

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Il s'agit donc de portraits : en pied et en majesté, en buste plus familiers, voire de simple visages, un petit nombre personnages défilent en une ronde où souvent la vanité le dispute à la vacuité. Typique de cette production l'important portrait de la Reine plus grand que nature dû à François II Pourbus et peint en 1617 alors qu'elle comptait encore dans le royaume de son fils Louis XIII : C'est une véritable idole qui se tient devant nous, engoncée dans une robe et un manteau de velours fleurdelisés elle se tient droite les bras ballants, sa fraise de dentelle impeccablement empesée, une couronne posée sur le sommet du crâne, couverte de bijoux, un vague sourire éclairant un visage ingrat. Ne cherchons aucune vérité psychologique ici, ce n'était pas le but recherché. C'est une affirmation sans pudeur du désir de pouvoir. Plus intéressante est l'effigie en pied que Van Dyck peignit quelques années plus tard, en 1631, alors qu'elle fuyait la France pour échapper à la vindicte de son fils et de son ministre Richelieu lassés de ses intrigues sans fin. Dans une ambiance crépusculaire, avec en fond une superbe vue d'Anvers au soleil couchant, elle se tient debout devant rocher rougeâtre, la couronne posée sur un tabouret à côté, un petit chien reposant sur un pan de la robe. Plus de velours, plus de dentelles, encore moins de bijoux, une robe noire de veuve la vêt que l'éclat des manchettes et du col en linon blanc éclairent, le visage défait, la chevelure terne, disent la détresse d'une fugitive qui, quelques années plus tard, finira sa misérable existence, solitaire, dans la banlieue de Cologne. Un destin est dit en deux tableaux.

 

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Dans le production abondante de Rubens, près de quatorze cents toiles, le portrait princier avec une cinquantaine de numéros occupe une place assez modeste, le genre ne l'intéressait guère en dehors de sa familles et de ses amis et il préférait les grandes compositions religieuses ou mythologiques. Il ne pouvait cependant toujours échapper à la corvée... Pourtant, dans ce registre, il atteint l'excellence. Il fallait souvent multiplier les copies plus ou moins autographes pour orner les arcs de triomphes des « Joyeuses entrés », comme pour les cadeaux diplomatiques aux autres cours, honorer les couvents que l'on protégeait etc. et il sous-traita, comme ses collègues des autres cours, une partie du travail à élèves et collaborateurs ; collaboration qui n'induisait pas nécessairement la médiocrité de l'œuvre ainsi qu'en témoigne L'Infante Isabelle Claire Eugénie assise devant sa propriété de Mariemont en Belgique : le beau paysage à été confié à Brueghel de velours. On admirera le magnifique drapé de velours rouge qui fait chanter les couleurs et assure la liaison entre les deux registres d'un côté le personnage (qui n'est pas autographe) vêtu de sombre, de l'autre les bleus et les verts de l'échappée.

 

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La tradition flamande dont Rubens est le plus brillante représentant, n'est pas tout et c'est un des intérêts de l'exposition que de montrer comment dans d'autres pays elle a du composer avec le goût local. Le cas de Philippe de Champaigne, originaire de Bruxelles, est particulièrement éclairant : le portrait de Louis XIII en pied et en armure, mince, malgré tout l'apparat que comporte ce genre de tableau – drapé, balustrade, paysage - est d'une grande élégance classique, presque dépouillée, une grandeur sans boursoufflure. Plus loin l'effigie allégorique du même souverain entre les figures de la France et de la Navarre, due à Simon Vouet et à son atelier, montre l'homme vêtu d'une cuirasse noire, un genou à terre pressé par deux femmes grassouillettes qui le regardent d'un air énamouré, composition plus mouvementée, mais étrangement statique. Ce sont les débuts de la « Grandeur calme » chère au Grand Siècle. Tout aussi étonnants sont les portrait de Philippe IV d'Espagne, époux d'Isabelle de France sœur de Louis XIII, Velasquez le peint en tenue de chasse en compagnie de son chien dans la campagne qui entoure Madrid. Ici plus d'apparat, une représentation simple, évidente, dont la dignité ne repose pas sur des accessoires mais sur l'expression d'une personnalité profondément humaine.

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

- Pierre-Paul Rubens et Jan Brueghel l'Ancien dit Breughel de velours, L'Infante Isabelle Claire Eugénie, vers 1615, huile sur toile, Madrid, Museo Nacional del Prado.

- Pierre-Paul Rubens, Marie de Médicis, reine mère de France, 1622, huile sur toile, Madrid, Mueo Nacional del Prado.

- Simon Vouet et atelier, Portrait de Louis XIII entre deux figures de femmes symbolisant la France et la Navarre, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre, photographie de l'auteur.

 

 

 

 

 

 

Rubens

Portraits princiers

Du 4 octobre 2017 au 14 janvier 2018

Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris

Tél. : 01 40 13 62 00

- Internet : www.museeduluxembourg.fr ou www.grandpalais.fr

- Calendrier et tarifs : tous les jours de 10h30 à 19h, nocturne de vandredi jusqu'à 22h. 12€ et 8€50 .

- Publications : Catalogue de l'exposition, 240p., 175 ill., diffusion Flammarion, 35€ ; Raphaël Masson, album de l'exposition, RMN-Grand Palais, 2017, 48 p., 10€ ; Julien Magnier, Portraits princiers, coll. Hors-série Découvertes Gallimard, 64p., 9,20€.

Jacques Lœuille : Rubens, peindre l'Europe, film documentaire 52', disponible en VOD sur francetv.fr et iTunes.

- Programmation culturelle : Conférences, visites guidées, ateliers, consulter le site de l'exposition.