Expositions

 

 

Mexique 1900 – 1950

Diego Rivera, Frida Kahlo, Jose Clemente Orozco et les avant-gardes

 

 

 

 

 

Le Mexique pendant la première moitié du XXe siècle a été le lieu d'une expérience esthétique unique pour l'époque. Quelques artistes, très au fait de ce qui se passait en Europe ont tenté et réussi, soutenus par le régime populaire issu d'une guerre révolutionnaire civile atroce, la création d'un art original, national, plongeant ses racines dans la tradition vernaculaire. Un art métissé fait pour le peuple, pour son éducation comme cela se faisait en Europe au moyen âge où la cathédrales étaient le grand livre offert aux analphabètes. Les galeries du Grand Palais à Paris retracent ce moment avec des peintures, des sculptures, des dessins, des photos et aussi quelques films.

 

Mexique1

 

Jusqu'alors l'art mexicain reflétait ce qui se faisait alors en Espagne, à Paris ou aux états-Unis voisins. Cela donnait une peinture de facture correcte mais sans originalité et pour tout dire un peu fade. Le grand portrait collectif des enfants de la famille Escandón Arango (1867) qui ouvre l'exposition malgré son charme ne se différencie guère, en moins brillant, de ce qui se faisait dans les capitales occidentales. Il faudra que la génération suivante dans les années 1900 hante des ateliers moins conventionnels pour qu'émerge un art qui, faisant table rase du passé, invente une vision proprement mexicaine. Prenons l'itinéraire de Diego Rivera (1886 – 1950) l'un des fondateurs cette école moderne qui a vécu de nombreuses années à Paris où il fréquentait l'intelligentsia. Sa Notre Dame de Paris (1909) émergeant de la brume avec un premier plan brunâtre où s'affairent des dockers sur les quais de la Seine, s'inscrit dans un impressionnisme tardif ; quatre ans plus tard il a rencontré le Cubisme et plus précisément est séduit par l'Orphisme de Robert Delaunay, ce que l'on retrouve dans son très maniériste et moderniste Portrait d'Adolfo Best Maugard (1913) et plus encore dans le très cubiste Portrait de Ramón Gómez de la Serna (1915). Quarante ans plus tard, avec La Rivière Juchitán (1953-1955) vaste panneau en longueur montrant des Indiens au profil Maya s'affairant ; il marie la tradition occidentale avec les canons de l'art pré-hispanique et crée ainsi une représentation de la réalité vernaculaire tout à fait neuve.

 

 Rivera Molendera

 

Après la période des combats révolutionnaires qui a duré dix ans de 1910 à 1920. Les forces de gauche ont vaincu, elles entreprennent de reconstruire un pays à bout de souffle – plus de deux millions de morts sur une population d'une quinzaine de millions d'habitants... Un projet culturel est associé à cette renaissance avec la volonté de créer un art proprement mexicain au service du peuple, du peuple entier dans toutes ses composantes indiennes comprises. José Vasconcelos, secrétaire à l'instruction publique, commande aux artistes d'immenses décorations murales. Ministères, grandes administrations, généralement installés dans les majestueux palais coloniaux, se couvrent de fresques dédiées aux idéaux du régime, à l'histoire du pays - la part indienne n'est pas oubliée. On a appelé ce mouvement extrêmement original le Muralisme. Les peintres, Diego Rivera le classique, José Clemente Orozco le véhément, David Alfaro Siqueiros le politique, les « Trois Grands », vont se mettre au service de cette politique ; ils atteindront une renommée mondiale. Par définition, les vastes fresques sont absentes de l'exposition, nonobstant la longue composition en longueur de Diego Rivera, dont nous avons parlé plus haut, mais les tableaux et sculptures de taille plus modeste rendent bien compte de cet art. Mexico devient alors un refuge pour certains artistes, des cinéastes : Buñuel, Eisenstein dont des extraits de « Que Viva Mexico » sont projetés sur un écran géant.

 

 

L'art mexicain est résolument figuratif, ce qui ne veut pas dire illusionniste ou réaliste. Il plonge ses racines dans la culture occidentale mais aussi et surtout dans la riche tradition indienne qui survit encore grâce à un folklore vivace. Les couleurs, franches et vives, composent une palette toute en noirs, en blancs, en jaunes, en rouges en bruns aux variations infinies. La polychromie d'une terre aride et dure, de temps impitoyables. Les formes simplifiées, parfois lourdes, donnent aux figures et aux objets quelque chose d'intemporel, de monumental, même dans les compositions de taille modeste. C'est un art de combat un art véhément, expressionniste, parfois violent, mais qui sait aussi représenter la beauté du monde, la pérennité des sentiments, la noblesse du « campesino ». Un art qui ne s'embarrasse pas de précautions inutiles, un art de convictions fortes, anticapitaliste, anticlérical. Rivera, Orozco, Siqueiros, font un peu d'ombre aux autres créateurs tout aussi intéressants. On remarquera surtout quelques sculptures puissantes : l'étonnant Boucher de Mathias Goeritz sculpté dans le bois à l'herminette, il préfigure les statues d'un Baselitz aujourd'hui, Le Soldat blessé, véritables piéta révolutionnaire, de Luis Ortiz Monasterio. Mais l'insurrection ne saurait résumer à elle seule la scène artistique mexicaine. La vie des villes, l'absurde de l'existence – Mexico fut une des capitales du Surréalisme -, l'humour, inspirent de nombreux créateurs dont on ignore jusqu'à l'existence chez nous. Et c'est une des grandes surprises de l'exposition, l'un de ses charmes de découvrir ici un art neuf, spontané, plein d'humour et de poésie : La Passerelle de Gabriel Fernández Ledesma qui se gausse du machisme sud-américain et préfigure l'art d'un Antonio Segui aujourd'hui ; Covarrubias dessine un Staline en Caudillo grotesque, vêtu d'un uniforme rouge, botté, sabre trainant par terre, frisant sa moustache d'un air bravache. On remarquera surtout la présence de nombreuses femmes tout aussi audacieuses - il n'y eut pas que la trop célèbre Frieda Kahlo qui ne peignit pas que des autoportraits, on découvre ici d'étonnantes natures mortes aux couleurs stridentes, une d'entre elles avec un chien Colima niché parmi des melons. Maria Izquierdo avec le surréaliste Rêve et pressentiment, Nahui Olin qui fit de sa vie scandaleuse (pour l'époque) une œuvre à part entière, d'autres encore...

 

 Mexique2

 

Toutes les expressions de l'art moderne se trouvent un écho ici et l'on pourrait, tout au long de la visite, jouer au jeu des influences ou des inspirations : l'abstraction géométrique d'un Zayas, la Sécession Viennoise pour un Montenegro, le lyrisme prolétarien de Fernand Léger pour Francico Eppens, L'île joyeuse (1936) de Carlos Merida doit tout à Miró... Mais que l'on ne s'y trompe pas, il y a dans toutes cette production quelque chose qui relève de l'excès typiquement mexicain, d'une vitalité brutale bien étrangère à la vieille Europe. Le circuit se termine sur l'œuvre de Rufino Tamayo (1999 – 1991) qui, sans renier l'exemple des Trois Grands, décida de nourrir son travail d'autres influences et de prendre ses distances par rapport au nationalisme. Il tente une synthèse expressive de ce qui se faisait à Paris et à New York. La nature morte Mandolines et ananas (1930) est un étrange tableau : les fruits ressemblent à des grenades dégoupillées ; quant aux instruments ils semblent pourvus d'une puissance telle qu'ils forcent le passage de la fenêtre. Un sujet à priori peu inquiétant mais que le devient grâce au traitement du peintre...

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

- 1 Projection d'extraits de "Que viva Maxico !" de S. M. Eisenstein, photo de l'auteur

- 2 Diego Rivera, La Molendera, 1924, Huile sur toile, INBA, Museo Nacional de Arte. Photo © Francisco Kochen. © 2016 Banco de Mexico Diego Rivera Frida Kahlo Museum Trust, Mexico DF / ADAGP, Paris

- 3 Antonio Ruiz " El Corcito", Le Rêve de la Malinche, 1926, huile sur masonite, Galeria de Arte maxicano © Photo INBA/Museo Galeria Nacional

 

 

 

 

 

 

 

 

Mexique 1900-1950

Diego Rivera, Frida Kahlo, Jose Clemente Orozco et les avant-gardes.

5 octobre 2016 – 23 janvier 2017

Galeries nationales du Grand Palais, entrée Clemenceau.

- Tél. : 01 44 13 17 17

- Site internet : www.grandpalais.fr

- Horaires et tarifs : tous les jours sauf mardi de 10h à 20h, nocturne le mercredi jusqu'à 22h ; fermé le 25 décembre, à 18h les 24 et 31 décembre. Tarif : 13€ et 9€ (tarif réduit pour les 16-25 ans, familles nombreuses, demandeurs d'emploi), tarif tribu, 35€ (2 adultes, deux jeunes), gratuité pour les moins de 16 ans, les bénéficiares du RSA et du minimum vieillesse.

- Publications : Catalogue, Paris, 2016, éditions de la RMN-Grand Palais, 328p., 49€. Album de l'exposition, 48p., 45 ill., 10€.

- Animation culturelle : rencontres tous les mercredis sur invitation à télécharger sur grandpalais.fr ; Films du vendredi à 12h programme et invitations à télécharger sur le site à partir du 2 décembre ; journées d'études, studio Clemenceau ; visites et ateliers ; en famille et pour enfants voir le site, www.grandpalais.fr/fr/jeune-public.