Expositions

 

 

 

 

Moi Auguste, empereur de Rome

 

 

 

 

 

 

dsc_0804L'élégance... Les salles du Grand Palais à Palais à Paris se prêtent particulièrement bien au déploiement des statues de marbre, certaines colossales, des bustes sur piédouche de la famille impériale, des sculptures décoratives, des fresques pompéiennes, des luxueux meubles et objets de la vie quotidienne qui sont montrés ici : l'ampleur des espaces, leur blancheur, la hauteur des plafonds, l'atmosphère lumineuse, tout concours à faire de l'exposition consacrée au premier empereur romain Auguste une manifestation aussi élégante que séduisante. On a quelque mal dès l'entrée, alors que surgit la majestueuse statue de l'empereur en marbre blanc - dite Prima Porta du lieu de sa découverte - plus grande que nature et qu'ont prêtée les musées du vatican, à faire le joint avec le jeune pisse-vinaigre, on veut dire le jeune Octave, le futur Auguste, qui sévissait naguère dans la série culte Rome. On aura d'ailleurs intérêt à revoir cette impertinente série, parfaitement documentée, pour remettre les choses à leur place et tempérer l'admiration que pourrait susciter le personnage, le milieu et la civilisation décrits ici. Derrière, la beauté sereine qui se déploie au fil des salles, se cachait une des civilisations les plus féroces de l'histoire, une des sociétés les plus cruelles aussi, où la simple notion de droit humain n'était imaginable que dans les écrits des philosophes. La crasse, la veulerie, les superstitions, l'injustice, furent le terreau sur lequel a pu prospérer tant de splendeur. Le visiteur ne l'oubliera pas. Si l'empereur, qui n'hésitait pas à faire exécuter ceux qui le gênaient ou dont il convoitait la fortune (sa victime la plus célèbre fut Cicéron), a pu se vanter dans son testament d'avoir trouvé une Rome de brique et de laisser derrière lui une ville de marbre, il s'agissait essentiellement de l'Urbs impériale, la ville officielle qui avait peu à voir avec le cloaque urbain dans lequel évoluait une populace inculte et violente. Le sinistre masque de gladiateur trouvé à Pompéi exposé ici témoigne de la part obscure de la civilisation romaine.

 

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La statue du monarque, en pied plus grande que nature accueille donc le visiteur. Tout dans cette œuvre de pure propagande, faisait signe : la taille en premier lieu, pour dire la grandeur du personnage qui était plus qu'humain, un dieu en chair et en os à qui il convenait de rendre un culte ; la silhouette musculeuse, héroïque, alors qu'Auguste (63 av. J.C. - 14 ap. J. C.) en réalité était plutôt gringalet, quelque peu boiteux même ; s'il a préféré le costume militaire à la toge civile, c'est qu'il voulait privilégier l'image du guerrier, le guerrier qui mena campagne pour venger l'assassinat de César son père adoptif et, plus tard, agrandir le territoire de l'empire qui atteignit son apogée sous son règne. L'œuvre est d'autant plus significative, qu'elle a été retrouvée dans la ruines de la maison de Livie, sa troisième épouse, celle qu'il aima et dans les bras de laquelle il expira. On remarquera la scène, ciselée sur la cuirasse, représentant la restitution par les Parthes des enseignes romaines conquises par ce peuple guerrier, ennemi séculaire de Rome aux confins orientaux du monde d'alors, après la défaite de Carrhes en Mésopotamie quelques dizaines d'années plus tôt. Auguste se pose en restaurateur de la grandeur romaine.

 

img_20140318_122352-2La statue tend le bras droit et semble interpeler le visiteur, dans la réalité, elle devait tenir dans la main une lance. On remarquera l'élégance de la pose, le léger chiasme qui dynamise le corps, la simplicité des lignes qui s'équilibrent, l'attitude noble teintée d'un léger abandon... tout cela vient en droite ligne de la Grèce dont la Rome augustéenne se voulait l'héritière culturelle. Sur le mur de droite un immense tableau peint pas le Français Guillaume Edmond reproduit la Res Gestae, récit de sa vie écrit par le souverain qui reste une des sources écrites du règne. Cet immense trompe-l'œil commandé par Napoléon III – quatre mètres sur neuf – est en soi une peinture étonnante de véracité : on doit s'approcher pour vérifier qu'il s'agit bien d'une image.

 

Tout aussi étonnants sont aussi les grands bas-reliefs retraçant la bataille navale d'Actium qui mit aux prises les flottes d'Octave à celle d'Antoine, le beau-frère adultère, et de Cléopâtre. La victoire des Romains mit fin à la guerre civile qui avait succédé à l'assassinat de César et inaugurait une longue période de paix et de prospérité. Octave va réorganiser l'empire et fonder un cadre administratif étonnamment souple où des cités états quasi indépendantes voisinaient avec des provinces sous administration directe, comme ce fut le cas de l'Égypte, Le culte de la famille impériale tenant lieu de ciment. Si la vie des Césars fut loin d'être sans nuages (aimable litote!), les provinces n'en pâtirent pas. Là réside la grandeur d'Auguste. Les nombreux portraits de la famille impériale exposés ici et provenant de tout l'Empire témoignent de l'attachement des élites locales. On sera attendri par les deux têtes de jeunes enfants, on retrouvera avec plaisir le portrait de Livie en basanite issue des collections du Louvre, comme les somptueux camées aux couleurs chaudes. Ces œuvres, au réalisme tempéré sont typique de l'art romain de l'époque, réalisme adouci par l'idéalisme grec.

 

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La ville officielle se pare de Forums luxueux, leurs magnifiques débris de marbres sont exposés ici. Les patriciens, à la différence d'Auguste qui avait des goûts simples, se font construire des palais ostentatoires ornés de statues « empruntées » aux villes grecques. On remarquera le ciselé des éléments décoratifs trouvés sur les champs de fouilles. Les plus spectaculaires de ces pièces sont sans aucun doute la série de masques de théâtre, provenant du Teatro Marcello de Rome, ainsi que les Niobides, originaux grecs découverts dans les jardins de Salluste, ou encore le grand grand cratère de marbre couvert d'un décor végétal tapissant. Les fresques de la Maison de Livie, la troisième épouse d'Auguste, sont représentées par des reproductions exécutées au XIXe siècles, les originaux devant rester sur place. On peut mentionner aussi le fragment de bas-relief de l'Ara Pacis du Louvre, sa calme élégance n'est pas indigne des frises du Parthénon.

 

came blacas - copieLa vie quotidienne des membres de la haute société romaine était d'un luxe et d'un raffinement extraordinaires. Plus que les pièces d'argenteries du trésor de Boscoreale, bien connues des familiers du Louvre, on sera séduit par la vaisselle de terre et la verrerie colorée, aux formes élégantes : telle balsamaire bleu en forme d'oiseau, telle coupe « millefiori », sont aussi fraîches qu'au sortir de l'atelier. On sourira devant ce brasero en bronze tripode, orné de trois satyres ithyphallique, en songeant au nombre de toges ou de robes qui ont du s'accrocher à la triple « chose » turgescente...

 

Bill Viola, Mapplethorpe, Auguste, décidément le Grand Palais est bien éclectique...

 

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Auguste de Prima Porta, époque tibérienne, marbre de Paros, h. 229,25 cm (avec la plinthe), Musei Vaticani, Braccio nuovo © Musées du Vatican, cité du Vatican.

- Fragment de relief architectural, provenant de la procession de l'Ara Pacis Augustae, entre 13 et 9 av. J.-C., marbre blanc, 114 sur 147 cm., Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, cliché de l'auteur.

- Autel des frères Arvales, base de trépied, marbre, 110 sur 129 sur 96, Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques et romaines, cliché de l'auteur.

- Masques de théâtre, marbre de Carrare, Rome Teatro de Marcello, cliché de l'auteur

- "Camée Blacas", Auguste, Londres The British Museum, vers 14-20 ap. J.-C., Sardoine, © The British Museum Londres , dist. RMN-Grand Palais / the Trustees of the Bristish Museum.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Moi, Auguste

empereur de Rome

19 mars – 13 juillet 2014

Grand Palais, entrée Clémanceau

 

Paris, angle avenue des Champs-élysées – avenue Franklin D. Roosevelt

Tél. : 01.44.13.17.17

site internet : www.grandpalais.fr

- Horaires et tarifs : tous les jours, sauf le mardi jour de fermeture, de 10h à 20h, nocturne le mercredi jusqu'à 22h. Plein tarif, 13€, tarif réduit, 9€, gratuit pour les moins de 16 ans, les bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse, 22€ et 18€, billet couplé avec Robert Mapplethorpe ou Bill Viola.

- Publications : Catalogue, 320p., 45€ ; album de l'exposition, 48p., 10€ ; Le petit journal, 16p., 3,5€ ; Xavier Darcos : Auguste, Tibère, Caligula... Une dynastie d'empereurs romains, éditions Artlys, 128p., 12€.

- Programmation culturelle : conférences, colloque, films, visites guidées, activités pour les jeunes et pour les familles, consulter le site.