Expositions

 

 

 

Felix Ziem (1821 – 1911)

 

 

 

 

 

Quelques années avant sa mort, en 1905, le peintre Félix Ziem avait fait une importante donation au tout nouveau musée du Petit Palais : cinquante six peintures, soixante quatorze études à l'huile, quarante et une aquarelles, cinq carnets de dessins. La plus grande collection de son oeuvre, après celle du musée de Martigues, elle aussi issue d'une donation. Il y a largement de quoi organiser l'exposition que le musée présente aujourd'hui jusqu'au quatre août, exposition qui balaie l'essentiel d'une œuvre qui fut très prolifique mais se cantonnait à quelques thèmes inlassablement abordés par le maître : Venise – la moitié de sa production -, Istanbul, l'Orient, mais aussi, la Hollande et le sud de la France. On aura la surprise de découvrir quelques copies faites d'après les maîtres anciens, activité que le peintre pratiquait tout comme ses contemporains, à la fois hommages et études ; Rembrandt semble l'avoir particulièrement fasciné qu'il interprète avec un certain talent. Ces copies sont loin d'être indignes de leur original...

 

1 carnet venise ziemZiem est le fils d'un tailleur polonais installé en France, à Beaune très exactement, aux tous débuts du XIXe siècle. Il y naît le 25 février 1821. Très jeune il fait des études d'architecte et rapidement quitte les travaux publics où il avait commencé une carrière. Il habitait alors Marseille où la lumière du midi, l'attrait d'un ailleurs fascinant lui semblaient irrésistibles. Il s'essaye au dessin et à l'aquarelle, il rencontre un succès immédiat ce qui le conduit à s'installer à Nice pour se rapprocher de la riche clientèle hivernale - Anglais et Russes essentiellement. Invité par la prince Gagarine, il entreprend un séjour de dix mois en Russie, premier voyage de la longue suite de déplacements quasi annuels à Venise, en Orient etc.

 

Bien qu'il goûta peu la capitale, dont il détestait l'esprit mondain et qui l'a rarement inspiré, il y installa ses ateliers dans un Montmartre alors quasi campagnard ; un peu en marge de la ville et de ses agitations mais néanmoins proche de ses marchands et de ses collectionneurs. Tous les ans, ou presque, il faisait un voyage autour de la Méditerranée ou bien il séjournait à Nice ou à Martigues. Dans cette dernière ville - toujours à la marge de la côte d'Azur ! - il fait construire un atelier et même une petite mosquée qui lui servait de modèle. Dans ces différents lieux il accumulait esquisses peintes, dessins qui serviront plus tard de matériau aux compositions finales. Et c'est le charme de l'exposition que de montrer ce travail préalable. Les quelques carnets exposés ici, dans la première salle du parcours, montrent un talent de dessinateur hors pair : aquarelles certes, mais aussi crayons, plumes à l'encre bistre. Une vidéo permet d'admirer les différents dessins des carnets que l'on ne peut feuilleter bien évidemment. La maestria de Ziem égale celle des grands vénitiens du XVIIIe siècle particulièrement de Gian Domenico Tiepolo dont il retrouve la verve et la nervosité de trait. Fasciné par la lumière légèrement iridescente des paysages maritimes, il avait l'habitude de louer un bateau pour portraiturer depuis la mer ces villes où l'eau se mêle à l'architecture (Venise, Istanbul) pour mieux en saisir l'atmosphère unique, leur architecture se fondant dans l'humidité de l'air.

 

De la lumière avant toute chose.

 

8 venise

Ziem est un peintre autodidacte dont la carrière s'est déroulée en dehors du circuit officiel organisé par l'Académie et l'école des Beaux-Arts ; il n'avait suivi que les cours d'une école d'architecture – une originalité pour l'époque. Ses universités furent les musées et les maîtres du passé comme en témoignent les copies de Rembrandt signalées plus haut. Dans son panthéon siégeaient encore les grands Vénitiens, Claude Lorrain et Turner dont il avait retenu la leçon : de la lumière avant toute chose. Rendre une atmosphère évanescente, l'irisation de l'eau, le jeu infini des couleurs se fondant, se juxtaposant, se reflétant, Ziem est un des grands coloristes de son siècle, et son travail de la matière picturale est profondément original pour l'époque. On comprend son amitié pour les peintres de Barbizon et les Impressionnistes. Certaines de ses toiles sont de somptueuses symphonies (voir, Venise, Trabacco à la voile jaune). Il précède par touches nerveuses qui dessinent le sujet sans s'attarder sur les détails : remarquer comment il suggère d'une simple touche nerveuse une voile qui frémit dans Martigues, La voile blanche. Ziem, bien qu'il ait reçu le titre de Peintre de la Marine, il n'était pas du genre à détailler un gréement pas plus qu'un motif architectural : voir ses Ports de Marseille avec leurs forêts de mats et de vergues qui se bousculent. Non la lumière seule, le tableau avant tout... en cela il est en avance sur un temps qui prise le réalisme de la représentation.

 

Ziem est un paysagiste, certes, mais il ne sentait pas esclave de son sujet et pouvait fort bien prendre quelques libertés avec l'exactitude topographique : voir son port de de Marseille vaste comme une rade ou encore comment il dispose Sainte Sophie de façon arbitraire en fonction des exigences de la mise en place du paysage. Pour lui seul comptait l'effet, le support pour la rêverie.

 

9 le caique de la sultane

 

 

Il a peint aussi des animaux, des figures : elles animent souvent ses tableaux. Mais hormis un étrange et mystérieux éléphant, ses personnages n'ont rien d'inoubliables. Disons même que le Repos de la Sultane qui montre la dame nue mollement étendue sous des arbres au milieu de sa suite, alors que se profile dans le lointain Istanbul, frise le grotesque. Dans le même genre d'idée, était-il bien nécessaire de faire danser une almée sur un caïque à l'équilibre précaire ? (Constantinople, le Caïque de la Sultane) La silhouette cependant, discrète note verticale rappelant celles des minarets du fond, scande le tableau et équilibre les lignes horizontales. De plus le rouge sombre chaleureux de la danseuse et du voile faet un savoureux contrepoint aux superbes bleus et verts de la mer et à la poésie d'un arrière fond se dissolvant dans la brume.

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Venise, San Giorgio maggiore et la Piazetta, lavis d'encre, 1859, © Petit Palais / Roger Viollet

Venise, l'église des Gesuati, huile sur carton, 1870/80, © Petit Palais / Roger Viollet

Constantinople, le caïque de la Sultane, huile sur toile, 1880/90 © Petit Palais / Roger Viollet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Félix Ziem, « J'ai rêvé le beaux-Arts

peintures et aquarelles

14 février – 4 août 2013

Petit Palais

Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

Avenue Winston Churchill, 75008 Paris

Tél. : 0153434000

- site internet : www.petitpalais.paris.fr

- Horaires et tarifs : du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h ; entrée libre pour les collections permanentes, pour l'exposition, 6€, gratuit pour les enfants jusqu'à treize ans.

Publication :

- Animations culturelles : consulter le site du musée