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Publication : 31 octobre 2025

Exposition

 

 

Jean-Baptiste Greuze

                                    L'Enfance en Lumière

 

 

 

 

 

C'est une dessin au lavis, il est terrible. Dans un élégant intérieur, une femme ivre de colère, l'œil exorbité, hurlante, cheveux en bataille, brandissant un battoir injurie son époux contre lequel leurs deux filles se blottissent pour se protéger de la mégère. Leur troisième fille derrière la table se tord les mains, par la porte entre-baillée on voit un petit garçon pleurer. Au premier plan, un fauteuil cabriolet renversé, un chien grondant, des socques jetées à le diable, une bouteille brisée disent le désordre du ménage, la tristesse d'un foyer ravagé par la folie. Nous sommes loin des jeunes ingénues, des mères attendrissantes, des pères nobles, des fils indignes mais repentants, des enfants rieurs qui forment le fond de commerce de son auteur, le peintre Jean Baptiste Greuze (1725 – 1803) auquel le musée du Petit Palais à Paris consacre une magnifique exposition en cet automne. Dessin cathartique s'il en fut, il témoigne de la tragédie d'un homme mal marié à une femme qui le trompait ostensiblement, buvait plus que de raison, le violentait et a consommé sa ruine : il forme un utile contrepoint à une œuvre volontiers taxée de sentimentalité voire de mièvrerie et qui, en fait, est plus profonde, plus tragique qu'il n'y paraît : nostalgie d'une harmonie inatteignable ? Regret d'un monde de douceur et de tendresse que l'on représente à défaut de le vivre ?

 

Greuze3 

 

L'œuvre de Jean Baptiste Greuze souffrait jusqu'ici, d'une réputation déplorable auprès des amateurs, des critiques et historiens français, qui lui reprochaient un sentimentalisme purulent, un moralisme rance accouplés à une sensualité sournoise. Ces reproches ne sont pas tout à fait inexacts mais ils occultent le compréhension d'un parcours bien plus complexe et surtout oblitèrent une qualité picturale rare qui allie un savoir-faire virtuose allié à un sens de la couleur indéniables. Greuze fut un incomparable metteur en scène de la vie des simples auxquels il confère la noblesse des héros de la peinture d'histoire. Ajoutons que l'artiste est un des plus grands dessinateurs français égal aux Watteau, Poussin et autres Claude Lorrain. L'exposition qui comporte de nombreux exemplaires de son talent graphique, crayons, plumes, lavis, sanguines, témoigne de son excellence en ce domaine.

 

Greuze4

 

Quasi entièrement dédié à l'enfance et à la famille, cette création s'inscrit dans un moment charnière de l'histoire des mœurs : la seconde moitié du XVIIIe siècle où l'on porte un regard nouveau sur la famille et l'enfant, l'éducation de ce dernier, son développement physique et moral. Sous l'influence de la philosophie des Lumières, le très jeune qui jusque là était considéré comme un petit être brut qu'il fallait dégrossir et dresser pour former un adulte civilisé, acquiert une personnalité et l'on s'intéresse à ses besoins propres, aux exigences de son développement ; la finalité de tout cela étant d'en faire un citoyen utile à la société. La publication en 1762 de l'émile de Jean-Jacques Rousseau qui relate sous une forme romancée l'éducation et l'exemplaire entrée dans la vie sentimentale du jeune héros cristallise un mouvement de fond qui balaye la société française d'alors.

 

Le parcours débute par l'illustration de la famille Greuze en ses débuts alors que l'illusion était encore permise et que la folie n'avait pas déjà fait ses ravages. L'étourdissant dessin de la jeune épouse étendue sur une ottomane jouant avec son carlin, les portraits attendrissants de ses trois petites filles, celui de son beau-père, le prospère libraire Babuty qui fut si utile à son gendre pour la diffusion par la gravure de sa production, quelques meubles d'époque, tout cela décrit l'ambiance feutrée d'une maison confortable et élégante où évolue une famille heureuse.

 

Greuze1

 

Greuze était un peintre coté, loué par la critique et particulièrement par Diderot qui en fait la louange dans ses « Salons » ; sa production était chère, d'où la nécessité de la diffuser par la gravure pour toucher un plus large le public que ce soit dans le domaine des idées ou, plus prosaïquement, sur le plan financier. Une séquence entière est consacrée à ces publications et aux graveurs qui s'attelèrent à la tache. Le portrait, exposé ici, qu'il fit, de Jean-Georges Wille, par ailleurs peintre très estimable, est un très beau témoignage de son excellence dans le domaine.

 

L'illustration de l'enfance commence par une série de portraits et d'images de bambins jouant avec des animaux, effrayés etc. Elle se poursuit le parcours du petit de la naissance jusqu'à l'adolescence en séquences dédiées aux différentes étapes de son développement et, ce, suivant les préconisations des philosophes et des pédagogues de l'époque. Défense de l'allaitement maternel, dénonciation du placement du nouveau-né chez une nourrice qui a tendance à multiplier les contrats – un lavis montre une jeune paysanne accablée par le fardeau de quatre enfants -, éducation morale et religieuse. Remarquons la présence exclusive des femmes, des mères, à cette étape. Il faut bien le dire ces images doucereuses ne convainquent guère aujourd'hui : Ah les scènes de charité, les bambins mains jointes maladroitement en une ébauche de prière, la grand-mère grabataire que son petit fils adolescent nourrit... L'homme mûr n'intervient que plus tard, le jeune fiancé de l'Accordée du village, certes, mais aussi et surtout le corrupteur de l'innocence thème que l'artiste décline comme à plaisir en des scènes plus ou moins suggestives qui eurent beaucoup de succès à l'époque... L'Oiseau mort du Louvre est typique de cette production qui montre une jeune adolescente pleurant et n'osant toucher le volatile étendu. Quand on sait ce que signifie le petit oiseau des garçons dans la culture populaire, que l'on note le désordre de la chemise de nuit de la gamine on comprend le sous-entendu graveleux de l'image qui ravissait les roués. Ne parlons pas de la symbolique de son tableau le plus célèbre la Cruche cassée... On ne le dira jamais assez, cependant, nous séduit encore l'extraordinaire virtuosité de leur auteur.

 

Greuze2

 

Il faut le rappeler : l'œuvre de Greuze s'inscrit entièrement dans le grand mouvement qui traverse la société française du XVIIIe siècle, celui de la philosophie des Lumières. Nous pouvons nous gausser aujourd'hui de son sentimentalisme, de son moralisme mais il eut ce mérite, et il faut le lui reconnaître, de tourner le dos, trente ans avant David, à une culture baroque, certes séduisante mais frivole et basée sur le privilège et l'inégalité. Il sut porter un regard critique sur quelques-unes des tares de l'ancien régime. Une toile, rarement remarquée par les critiques, exposée ici en témoigne : La lecture de la Bible : dans une pauvre masure le père fait la lecture du livre sacré à la famille réunie autour de lui. Ce sont des protestants, l'église catholique ne favorisait pas la consultation du Livre. Contrairement à ce que l'on croit, pendant tout le XVIIIe siècle, la répression des dissidents est féroce : la roue ou les galères pour les hommes, le couvent pour les femmes, les enfants arrachés à leurs parents et confiés à des institutions « sûres ». La toile date de 1753, dix ans avant les affaire Calas et Sirven qui ont secoué le pays...

 

Rien que pour cela il lui sera beaucoup pardonné.

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

1 - Femme en colère, vers 1785, pinceau, lavis noir et gris, rehaussé de blanc sur traces de graphite, © New York, The Metropolitan Museum of Art, photo de l'auteur.

2 – Enfait embrassant un chien, vers 1770, Plume, encre brune lavis de gris, © coll. Particulière, photo de l'auteur

3 – Madame Greuze sur une chaise longue avec son chien, vers 1759/60,crayon graphite, pierre noire, plume, encre grise et noire, © Amsterdam, Rijskmuseum, photo de l'auteur.

4 – La Lecture de la Bible, vers 1753, huile sur toile, © Paris, musée du Louvre

 

 

 

 

 

Jeau-Baptiste Greuze

L'Enfance en Lumière

16 septembre 2025-25 janvier 2026

Musée du Petit Palais,

Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

Avenue Winston Churchill, 75008 Paris

- www.petitpalais.paris.fr

- Tél. : 01 53 43 40 00

- Horaires et tarifs : du mardi au dimanche de 10h à 18h., nocturenes vendredis et samedis jusqu'à 20h., fermé le 25 décembre et le 1r janvier.- Tarifs, 14€ et 12€, réservation d'un créneau de visite conseillée.

- Publication : Annick Lemoine dir.- Catalogue.- éditions Paris Musées, 392 p., 250 ill., 49€.

- Animation culturelle : visites guidées, visites spécialisées, ateliers, conférences, consulter le site du musée.

Création : 31 octobre 2025
Mis à jour : 31 octobre 2025

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