Expositions

 

 

Cai Guo-Qiang

Travels in the Mediterranean

 

 

 

 

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Le MAMAC de Nice (Musée d'Art moderne et d'Art contemporain) a consacré son premier étage au plasticien chinois Cai Guo-Qiang pour une vaste rétrospective. Le parcours se fait en trois séquences : la première Gunpowder drawing Installation Travels in the Mediterranean créée sur place et avec des matériaux du pays est une représentation symbolique des pays méditerranéens et de la Côte d'Azur plus précisément ; la seconde A Gift from Iwaki autour une carcasse de navire naufragé est un hommage à ces nombreux navire qui sillonnèrent les océans pour établir un lien entre Orient et Occident ; enfin la troisième propose une série de reportages vidéo qui retracent les superbes feux d'artifices exécutés dans différentes villes et exaltant les événements festifs où tragiques dont elles furent le cadre. On remarquera l'extraordinaire spectacle imaginé pour l'inauguration des Jeux Olympiques de Pékin. Les Chinois ayant inventé la poudre à canon comme chacun le sait, Cai Guo-qiang en fait un usage stupéfiant d'expressivité et de beauté : en témoigne le surprenant réseau noir, sorte de ramure morte, comme pétrifiée, qui s'élance au-dessus de Hiroshima pour quelques instants.

 

Cai Guo-Qiang a sans doute gardé de sa formation à l'école de théâtre de Shanghai le goût d'un travail collectif mobilisant toutes les énergies pour la création : ainsi la galerie menant à la première oeuvre Travels on the Mediterranean expose les carnets de dessins d'une jeune étudiante – Yuting Zhang - qu'il a faite venir de Shanghai. Il s'est nourri de ses charmants dessins sur Nice et la Côte d'Azur pour en extraire sa propre interprétation.

 

L'oeuvre en elle-même, une sorte de fresque (si on peut employer le terme ici) faite à le poudre à canon, se présente comme un immense panorama que reflète une mer faite d'eau et d'huile d'olive. On y reconnaît la végétation luxuriante de la Côte d'Azur, les constructions tarabiscotées de la belle époque, les silhouettes féminines offertes au soleil... Comment ne pas penser à ces grands rouleaux peints relatant les chasses et les expéditions des empereurs Qing au XVIIIe siècle? On retrouve ici aussi le sens d'une narration en continu, la figuration d'un paysage stylisé à la perspective multiple. On remarquera enfin l'utilisation de produits locaux, en l'occurrence l'huile d'olive et l'eau pour le plan liquide, démarche inspirée de celle du Land Art. La pratique de Cai Guo-King est multiple et, comme notre Molière, il prend son bien où il le trouve.

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Une vidéo, qu'il faut regarder jusqu'au bout, décrit le processus créateur : Dans un lieu couvert très allongé (les anciens abattoirs de Nice), devant une assistance qui applaudit ce qu'il faut bien appeler une performance, les assistants du maîtres - des étudiants de l'école d'Arts Appliqués Orbicom de Nice - déploient un immense rouleau de papier sur lequel seront disposés les pochoirs exécutés à partir des cartons du créateur, des branchages, quelques objets.

On s'attardera un peu sur la façon dont le maître réalise ses figures humaines : il dessine à partir de leur ombre projetée les modèles, nus, disposés sur des échafauds, en des positions aussi contournées qu'inconfortables. Ombres chinoises ? De manière plus sophistiquée et sérieuse, on songera au mythe grec de Dibutade, cette jeune femme qui dessina l'ombre de son amant avant son départ pour un long voyage, mythe où les Grecs anciens voyaient l'origine de la peinture : au commencement était le dessin... Ces silhouettes, transformées en pochoirs, seront elles aussi disposées sur le rouleau de papier. Puis les assistant saupoudrent les calques de poudre à canon, couvrent le tout de grands cartons que des briques maintiendront et le feu est mis. C'est à la fois ludique, un peu inquiétant – heureusement l'abattoir est construit en béton – et finalement intrigant. C'est surtout intéressant par ce mélange de maîtrise et de hasard.

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Agift from Iwaki, dans un autre genre, est tout aussi remarquable : L'épave d'un navire éventrée, au bois vieilli par les intempéries et les assauts de la mer laisse échapper une cargaison de porcelaines cassée. Ces porcelaines viennent de la province de Quanzhou en Chine, mais le navire lui a été trouvé au Japon, et ce sont, là encore, ses étudiants japonais qui ont extrait de leur gangue ces restes pathétiques. Le plasticien rend ainsi hommage à ces milliers de marins qui naguère sillonnaient les mers, au péril de leur vie, pour apporter au monde les porcelaines chinoises. Car la Chine n'en inondait pas seulement l'Occident, mais bien tous l'univers entier, y compris le Japon. Le soutes de ces navires ne contenaient pas seulement des porcelaines mais aussi des biens impalpables : techniques, littératures, mythes, religions, philosophies...

 

Cai Guo-qiang, s'adresse à tous dans un langage aisément compréhensible. On ne cherchera pas ici une incitation à l'introspection, à la recherche de soi, non plus qu'une remise en cause du monde tel qu'il va. Il délivre un message spectaculaire sur les valeurs universelles de bonheur, de fraternité qui suscitent l'adhésion. Sa scène c'est la Terre, un jour, Tokyo ou Hiroshima, un autre New York, Paris, Londres, Venise... Saluons la générosité de sa démarche.

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

Black Fireworks : project for Hiroshima, 25 octobre 2008, 13h, durée 60s. © Photo Seiji Toyonaga/ Hiroshime city Museum of Contemporary Art.

Travels in the Mediterranean, vue de l'installation au MAMAC © Ville de Nice / Muriel Anssens

Reflexion – Agift from Iwaki 2004. © On-Works International Multimedia / collection Faurschou

 

 

 

 

Cai Guo-Qiang

Travels in the Mediterranean

Jusqu'au 9 janvier 2011

Musée d'Art Moderne et Contemporain – 1r étage

Promenade des Arts, Nice

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, entrée libre.

Tél. 04 97 13 42 01

Internet : www.mamac-nice.org

Publications : Une fiche illustrée - recto en français, verso en anglais - est mise à la disposition des visiteurs ; Un catalogue est prévu qui n'est pas encore en vente au jour de cette critique.