La voie du Tao

 

Un autre chemin de l'être

 

 

 

 

Le Tao est à la fois un mouvement de pensée et un sentiment religieux qui a irrigué la Chine tout au long d'une histoire pluri-millénaire. Le Confucianisme et le bouddhisme eux-mêmes ont été influencés par ce courant né aux tous débuts de la civilisation chinoise.

 

laozi sur le bufflePour leur présentation, les organisateurs ont opté pour une approche thématique illustrant les différents aspects du Tao : cosmologie originelle, philosophie avec les grands initiateurs (le mythique Lao ZI ou LaoTseu, Xiwangmu), la recherche de l'immortalité, rites et liturgies... Cette clarté d'approche peut s'avérer parfois gênante : En exposant des objets que des siècles, voire des millénaires, séparent, ne risque-t-on pas d'introduire quelques confusions? Au fond c'est un peu comme si on faisait voisiner une madone en ivoire du XIIIe siècle d'un exquis raffinement et une de ces vierges de Lourdes en plâtre qui encombraient naguère les églises... Certes dans les deux cas il s'agit de culte marial, mais la religiosité était différente au Moyen âge et au XIXe siècle... Ici c'est un peu pareil et les statuettes en porcelaines du XVIIIe siècle des grands sages font figures de bibelots comparées aux rouleaux peints du XIVe siècles. Il y a aussi beaucoup de manuscrits – le Taoïsme est une religion du livre - qui ne parleront qu'aux spécialistes en dépit de l'élégance des caractères.

 

Tout cela pourrait rebuter... Mais ce serait à tort, car il y a là une occasion rare d'entrer dans un domaine de pensée que partage le quart de l'humanité. Et de plus, sur un plan personnel, le Tao peut apporter quelque chose à tout un chacun, même s'il n'est ni spécialiste, ni adepte des mystiques extrême Orientales : C'est une philosophie qui n'offre pas d'explication globale du monde et qui l'accepte tel qu'il est. Et dans cet univers elle tente de replacer l'homme en tant qu'élément d'un tout auquel il doit s'adapter harmonieusement. On sera sensible à une conception modeste de la nature, à un souci pré écologique, à une approche mesurée de la vie, à des préceptes de conduites étonnement modernes : suivre une diététique, faire des exercices, dominer son souffle...

 

Le visiteur aura surtout l'occasion d'admirer quelques oeuvres magnifiques et d'en comprendre le sens profond. Plus que les « chinoiseries », on remarquera dès la première salle d'admirables pièces de fouille : deux panneaux de sarcophages de la dynastie des Wei du Nord (386-534) représentant un tigre et un dragon, superbement fouillés et d'une grande puissance par leur traitement quasi géométrique ; ou encore, toujours de la dynastie des Wei du Nord (vers 525), la série de statuettes en terre cuite grise représentant les 12 signes du zodiaque : étranges figurines qui ressemblent aux mingqi que les Chinois plaçaient dans la tombe d'un personnage pour restituer son environnement terrestre dans l'au-delà : danseuses, joueuses d'instruments de musiques, cuisiniers, palefreniers etc. Mais dans ces figures les têtes ne sont plus humaines : un chien, un tigre, un porc... Tous animaux qui symbolisent chacune des 12 années du cycle zodiacal. L'étrangeté de l'ensemble est frappante.

 

pavillon dans un paysageL'extraordinaire fraîcheur des rouleaux verticaux représentant le panthéon Taoïste et datant du XIVe siècle est étonnante, on les croirait sortir de l'atelier, à côté d'autres rouleaux datant de le fin des Ming (XVIIe siècle) ne paraissent pas mieux conservés. Mais plus que ces personnages un peu hiératiques et pas très séduisants il faut bien le dire, un immense paysage peint sur un rouleau horizontal donne à rêver : un île de montagnes rocheuses s'élève au milieu d'une mer agitée. Bien à l'abri un verger de pêchers à l'ombre desquels conversent des sages, de l'autre côté de la montagne une terrasse domine l'abîme. Là aussi quelques lettrés discutent. On ne peut qu'être sensible à cette image de quiétude philosophique. Il faut savoir que la pêche dans la sagesse taoïste était le fruit symbolique de l'éternité et que, à l'instar du monachisme occidental, le taoïsme prônait un retrait du monde pour le sage – dans un tout autre esprit... Ces paysages sont une des séductions de l'exposition et ces représentations idéalisées d'un monde protégé des contingences matérielles, qu'elles soient minutieusement peintes ou au contraire faussement bâclées, forment le meilleur de la manifestation.

 

Le Taoïsme n'a pas toujours eu bonne presse : il est vrai que, parfois, il ne sut pas se garder des pratiques magiques et de la superstition. Aussi la séquence filmée qui clôture l'exposition et qui donne à voir un rituel taoïste est-elle bienvenue. Elle montre que cette religion est toujours vivante aujourd'hui après une longue éclipse de plus de deux siècles sous les derniers empereurs de la dynastie Qing jusqu'à la fin du régime communiste.

 

 

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

Laozi sur le buffle, Zhang Lu (v. 1490-v.1463) © The National Palace Museum, Taipei Taiwan

Pavillon dans un paysage, Qiu Ying (1494/5-1552), dynastie Ming, Musée des Arts asiatique Guimet © Musée Guimet/Thierry Ollivier

 

 

 

La voie du Tao

Un autre chemin de l'être

31 mars – 5 juillet 2010

Galeries nationales du grand Palais

3, rue du Général Eisenhower, 75008 Paris

Tél. : 01 44 13 17 17

internet : www.rmn.fr

Publications : catalogue sous la direction de Catherine Delacour, 368 p., 342 illustrations, 45€ ; Album de l'exposition par Catherine Delacour, 48 p., 9€ ; Petit journal, par Catherine Delacour, 16 p., 3,50€ ; Les coloriages de l'art, Chine, par Jack Garnier, 32 p., 22 illustrations, 6,50€ ; Vincent Gossaert et Caroline Gyss, Le Taoïsme, Gallimard/RMN, 96 + 32 p., collections « Découvertes ».

La voie du Tao, le Taoïsme ou l'art de l'immortalité, un film de Yves de Peretti, 59 mn RMN/Arte/Idéale audience

Animations : de nombreuses animations culturelles et des visites-ateliers pour les enfants sont prévues, voir le détails sur www.rmn.fr