Meijer de Haan (1852 – 1895)

 

 

 

 

 

Curieuse trajectoire que celle du peintre néerlandais Meijer de Hann auquel le musée d'Orsay consacre une exposition. Si on le connaît aujourd'hui c'est surtout grâce aux portraits que son ami Paul Gauguin a réalisé de lui. Ne devait-il pas aussi participer à la première aventure polynésienne du maître?

02 maternitPendant près de vingt ans ce jeune peintre né dans une riche famille de juifs conservateurs va connaître dans sa ville natale, Amsterdam, un vif succès. Cette première période où l'artiste se meut à l'aise dans les formules de l'art officiel, prend fin le jour où il présente, en 1888, une toile Uriël Acosta dont le thème – Un philosophe juif condamné par les rabbins pour ses positions hérétiques sur l'âme ce qui l'aurait conduit au suicide – choque profondément sa communauté. Devant le scandale, il prend la décision de s'exiler à Paris à la fin de l'été, muni d'une petite rente que lui versent ses frères.

De sa période amstellodamoise le musée présente quelques toiles : des scènes de genre, des portraits. Une controverse sur le Talmud a été exposée au salon de Paris en 1879. Qu'en dire ? Sinon que ce n'est ni plus beau ni plus excitant que ce qui se faisait dans les milieux de académiques de l'époque. Le Portrait d'une dame de 1882, malgré une certaine simplification des volumes intéressante, est bien marronnasse !

Paris est alors un creuset bouillonnant d'innovations. C'est une résurrection pour l'artiste qui rencontre tout ce que Paris compte en fait d'art novateur : Pissaro entre autres et surtout Gauguin qui le fascine et l'entraine dans son sillage. Quelques mois plus tard il le suit à Pont-Aven en tant qu'élève. Son art change du tout au tout : il adopte le principe du cloisonnisme et utilise une palette chatoyante sous l'influence de son maître et ami. Ce moment de grâce est couronné par la liaison qu'il entretint avec leur hôtesse Marie Henry dont il aura même une fille. Si cette liaison est signalée ici c'est qu'elle ne fut pas sans conséquences : sans elle on ignorerait la production de l'artiste en France. En effet, au moment de quitter la Bretagne, Meijer de Haan confia à sa compagne 40 toiles que cette dernière garda fidèlement. Ce sont les seuls témoins de son activité à l'époque qui subsistent !

autoportrait en costume bretonMois d'intense production, mois de discussions passionnées, de rivalité artistique féconde. Sont montrées côte à côte quelques tableaux de l'élève et du maître. Évidemment le maître a plus d'aisance que l'élève ; en témoignent le Paysage du Pouldu où Gauguin n'hésite pas à supprimer arbres et vergers pour donner plus de monumentalité à la composition tandis que Mejer de Haan n'ose faire ce sacrifice, ou encore la Nature morte aux oignons si construite et si colorée du Français. Mais comparaison ne vaut pas toujours raison et dans sa Maternité de 1889 (en fait le portrait de sa compagne) le Hollandais fait preuve d'une tendresse dont était bien incapable son compagnon et son Paysage à l'arbre bleu est remarquable de maîtrise de l'espace et des couleurs : ici le disciple se révèle l'égal de son mentor.

Deux autoportraits retiendront l'attention. Le premier, en costume breton, peint en touche serrées, offre un contraste lumineux entre les teintes chaudes des rouges, des bruns, de l'or et le fond violet et crème. Le peintre regarde le spectateur, qu'il prend à témoin de son cheminement, avec assurance, voire avec autorité : « Oui, je suis devenu ainsi. » semble-t-il dire. Dans le second, il s'est peint familièrement se détachant sur un fond de gravure japonaise, toile plus chamarrée que la précédente, où les couleurs crues, jaunes, rouges, bleus, voisinent en une harmonie étonnamment moderne.

La maladie interrompt malheureusement une carrière si bien commencée. Le peintre quitte Pont Aven en 1891 pour se soigner, il ne peindra plus et ne reviendra pas en Bretagne. Il s'éteindra en 1895 à Amsterdam.

 

 

 

Gilles Coÿne

 

 

Maternité, 1889. Collection particulière. Photo collection particulière © Droits Réservés

Autoportrait en costume breton, 1889. Collection particulière © Droits Réservés

 

 

 

 

Meijer de Haan (1852 – 1895)

16 mars – 20 juin 2010

Niveau médian Lille, salle 69

Musée d'Orsay

1, rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris

Tél. 01 40 49 48 14

Internet : www.musee-orsay.fr

Publication : Le Maître caché, Meijer de Haan. - Paris, 2010, Musée d'Orsay / éditions Hazan, 160 p. 29€