Expositions

 

 

 

Vrel, Frell, Fröll...

 

Jacobus Vrel. Énigmatique précurseur de Vermeer.

 

 

 

 

 

Jacobus Vrel? Ce nom ne dira pas grand chose, même aux spécialistes de l'art hollandais du XVIIe siècle. La fondation Custodia consacre une exposition à ce qui est une des énigmes les plus agaçantes de l'époque et de cette école de peinture : qui était ce Jacobus Vrel dont, au XIXe siècle, plusieurs œuvres furent attribuées à Vermeer ? Une équipe de spécialistes, multinationale et pluridisciplinaire, s'est penchée sur le problème et c'est le résultat de leurs recherches que le visiteur est invité à découvrir en vingt-deux tableaux du maître et de quelques autres de ses contemporains.

 

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Que savait-on exactement de cet artiste dont on ne connait que quarante cinq œuvres, toutes peintes sur bois, la plupart signées, une seule portant une date, 1654. À peu près rien sinon que, en plus des signatures et de la date, la collection de l'archiduc Leopold Whilhelm gouverneur des Pays-Bas du sud en comptait trois, dont deux se retrouvent aujourd'hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne, mais le catalogue détaillé de cette collection, une des plus importantes de l'époque, réalisé en 1659, par David Téniers ne fait qu'en signaler la présence dans la rubrique « Peintres inconnus ». Quarante cinq tableaux donc, essentiellement des vues de ville et des scènes d'intérieur.

 

L'enquête a commencé par le patronyme du peintre et ses déclinaisons. À l'époque, un certain laxisme existait en ce domaine. Ne disait-on pas, récemment encore, que les noms propres n'avaient pas d'orthographe ? Malgré une recherche minutieuse dans les centres artistiques les plus actifs de la République batave et des territoires limitrophes, ce fut un échec complet, aucune occurence n'est apparue. Ce patronyme lui-même paraissait bizarre, on a même pensé un moment, à un acronyme. Les chercheurs se sont intéressé ensuite aux tableaux, à leur matérialité comme à leur iconographie. Ce sont des panneaux de bois, il était donc possible d'en établir une chronologie, même approximative, en tentant une dendrochronologie. Le plus ancien tableau aurait été peints en 1616, le plus récent en 1672. J. Vrel serait donc né à l'extrême fin du XVIe siècle ou au tout début du XVIIe et sa carrière se serait étendue sur près de soixante ans, ce qui est très long pour l'époque. Une certitude, il précède Vermeer, avec qui on l'a longtemps confondu, de plus de trente ans, il en est donc le précurseur. Il serait même l'un de initiateurs du tableau de genre qui va se développer en Hollande pendant la seconde moitié du siècle.

 

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Où cette carrière s'est-elle developpée ? il est très difficile de répondre à cette question, mais en analysant plusieurs peintures de rues et ruelles – un de ses thèmes préféré -, Dirk Jan de Vries et Boudewijne Bakker démontrent, après une minutieuse étude que les bâtiments qu'il peint ne sont pas caractéristiques des villes de l'Ouest de la Hollande, donc de Delft, mais en revanche qu'ils seraient proches des villes de l'Est et même ils ont noté en analysant plans anciens de la ville ainsi que des témoins archéologiques subsistant aujourd'hui que Vrel a certainement vécu et œuvré pendant plusieurs années dans la petite ville de Zwolle. 

Jacobus Vrel pose un regard singulier sur son pays et ses contemporains, un regard qui distingue sa production de celle des autres artistes hollandais. C'est une vision modeste, retenue, on dirait presque janséniste, si ce terme pouvait s'appliquer à un artiste de ce pays et de ce temps, mais aussi une vision d'une grande poésie, virant à l'étrangeté parfois. Prenons ses intérieurs. On est frappé par la nudité des pièces, l'absence quasi totale du mobilier, orgueil des demeures du pays et que ses compatriotes ont abondamment, complaisamment, méticuleusement représentées, le froid presque palpable de l'air régnant ici au rebours des enclos douillets courants à l'époque, la lumière rare en dépit des grandes baies cherchant à capter la lumière du nord. Un monde du peu, de l’essentiel, de la rigueur, d'une beauté stricte.

 

Ces lieux austères sont habités par de petites silhouettes, toujours les mêmes – la présence d'une femme en fichu et coiffe blancs est récurrente –, aux activités d'une calme quotidienneté : lire un livre, veiller une malade, épouiller une enfant, parler avec une voisine par la fenêtre , voire faire des crèpes sur le maigre feu de la cheminée... La Femme saluant un enfant par la fenêtre de la fondation Custodia à Paris, typique de ce genre de tableau, atteint l'étrangeté. On y voit la dame en équilibre instable dans un élégant fauteuil en bois tourné, faire un signe de la main à l'enfant qui, déformé par les irrégularité du verre, ressemble plus à un gnome, à une vision fantômatique... Une Vieille femme à sa lecture baigne dans une austère solitude identique

 

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Les vues urbaines sont tout aussi originales. Jacobus Vrel ne peint pas de grands paysages urbains, comme la vue de Delft par Vermeer, il ne représente pas les grands monuments orgueil de ces cités nouvellement enrichies par un commerce mondial, les canaux bordés des opulentes demeures aristocratiques, Il se détourne de tout cela et porte son regards sur les rues étroites, les venelles obscures, les voies secondaires où vaque un menu peuple qu'il ne caricature pas comme Benjamin Cuyp, Cornélis Bega et autres auteurs de bambochades contemporains. Curieusement ces personnages semblent tirés des œuvres de Breughel et consort et ses architectures parfois assez malhabilement disposées. 

 

L'œuvre est assez irrégulière, les maladresses voisinent avec des compositions mieux maitrisées, voire des réussites. Faut-il voir en ce créateur, comme certains critiques le suggèrent, un peintre du dimanche, en quelque sorte un douanier Rousseau du XVIIe siècle ?

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

1 - Femme saluant un enfant à la fenêtre, huile sur bois, 47,5 sur 39,2 cm, Paris, Fondation Custodia

2 - Intérieur, femme peignant une fillette, un garçon près de la porte, huile sur bois, 55,9 sur 40,6 cm. Detroit, The Detroit Institute of Arts, don de The Knoedler Galleries, 1928

3 - Scène de rue avec une boulangerie près d'un rempart, Huile sur bois, 50 sur 38,5 cm. Hambourg, Hamburger Kunsthalle.

 

 

 

 

 

 

Jacobus Vrel.

Énigmatique précurseur de Vermeer

17 Juin – 27 septembre 2023

Fondation Custodia

121, rue de Lille, 75007 Paris

www.fondationcustodia.fr

01 47 0575 19

- Horaires et tarifs : tous les jours souf le lundi de n12h à 18h. 10 et 7 €.

- Publications : Jacobus Vrel, Peintre du mystère, catalogue raisonné et commenté, sous la direction de Bernd ébert, Cécile Tainturier et Quentin Buvelot, 2021, Fondation Custodia/Hirmer, 256p., nombreuses illustrations couleurs et noir et blanc.

- Visites guidées les jeudi 13 juillet à 12h30 et mercredi 6 septembre même heure, inscription dans la limite de deux places sur Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.