Exposition

 

 

 

 

 

 

 

Paris romantique, 1815 - 1848

 

 

 

 

 

Le Petit Palais, musée des Beaux-arts de la ville de Paris, propose une de ces grandes expositions dont il a le secret, où l'espace architectural a été remodelé pour faire entrer le visiteur dans l'esprit du sujet. Le thème, Paris romantique 1815 – 1848 ne pourra laisser indifférent toute personne intéressée par cette période qui couvre la Restauration et le règne de Louis-Philippe. Le déploiement du sujet est à la fois historique et encyclopédique puisqu'il recouvre aussi bien la vie littéraire que la mode, la décoration, la vie musicale, théâtrale, l'histoire et même la vie religieuse ; bilan d'une époque qui connut deux révolutions et pendant laquelle s'est affirmé un changement esthétique radical, le Romantisme, dont sont issus tous les mouvements qui devaient faire de Paris à la fin du siècle la capitale incontestée du monde artistique. 

 

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La Sainte Alliance après avoir vaincu Napoléon offrit trente ans de paix à un continent ravagé par les guerres et les révoltes. Mais à quel prix ! Un chape de plomb étouffe toute velléité de contestation, ne parlons pas des désirs de peuples qui auraient eu l'idée saugrenue de se réunir en nations libres et indépendantes... Que l'on songe à la Pologne, aux Pays Baltes, à l'Italie, aux peuples de l'Europe orientale, enfin à la Grèce... L'Europe dansait sur un volcan pour reprendre un mot célèbre et on ne doit pas l'oublier en parcourant un circuit si varié et si séduisant.

 

Un grand papier peint panoramique dédié aux monuments de la capitale accueille le visiteur, de nombreuses gravures plus ou moins caricaturales en décrivent l'univers contrasté : les grands boulevards et leurs théâtres, leurs cafés, leurs restaurants, les passages couverts où les prostituées aguichaient le chaland qu'il soit bon bourgeois ou officier étranger, les mansardes misérables du petit peuple, les salons qu'ils soient littéraires ou musicaux – le Paris de Chopin, Liszt et tant d'autres est une des capitales de l'Europe musicale -, les salons aristovratiques du faubourg Saint-Germain peuplés d'invités n'ayant « rien oublié, rien appris », enfin les ateliers d'artistes - lieux de travail mais aussi espaces de convivialité.

 

D'abord les derniers Bourbons dont les portraits disent cruellement la décadence puis les Orléans, plus fréquentables, mais tout aussi peu exaltants, en leur palais des Tuileries ; deux petites salles évoquent brièvement ce monde. On notera une exception, Marie d'Orléans, fille de Louis Philippe et sculpteur de talent dont plusieurs œuvres méritent mieux que la curiosité. Son salon était un invraisemblable capharnaüm – l'époque était à l'éclectisme - où voisinaient tout les styles en un ensemble aussi riche qu'étouffant. Elle avait aussi fait décorer son oratoire en style gothique, alors le summum de la mode en la matière. Sa Jeanne D'Arc contemplant un soldat anglais blessé, qui eut grand succès, vaut bien tant de productions encombrant les expositions d'alors.

 

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L'artisanat de luxe, on parlera bientôt « d'articles de Paris », est exposé ici dans une spectaculaire reconstitution d'un de ces passages couverts qui sont le marque le l'époque. Les rues étaient si sales, la circulation si difficile voire carrément dangereuse, que ce genre d'espace, inventé à la fin du XVIIIe siècle, semblait la solution avant les grands travaux d'assainissement de Napoléon III. Ils forment encore aujourd'hui une trame autour des grands boulevards. Porcelaines vivement colorées, chantournées, opalines aux couleurs pastel, nécessaires de voyages, pendules de bronze doré, de cristal, de porcelaine, flacons à odeurs, boîtes de toutes tailles de toutes matières... la multitude de ces objets si peu utiles mais si charmants et donc si indispensables voisinent avec les vêtements et leurs accessoires – chapeaux, gants, éventails - nécessaires à tout dandy qui se respecte. On se croirait chez un antiquaire et l'on remarquera à ce propos que la richesse du décor éclipse souvent la pureté des lignes, l'exquis raffinement du XVIIIe siècle est bien loin : le bourgeois d'alors exigeait que cela coûte cher et que cela se voie... 

 

Le Salon reste le grand événement artistique, une salle, rouge soutenu comme il se doit, restitue un accrochage typique : les toiles disposées pratiquement à touche-touche de la plinthe au plafond, tous styles et tous formats confondus, composent l'échantillonnage d'une production variée. Ici peu de chefs-d'œuvres, Delacroix domine de haut la sélection avec le « Christ au jardin des oliviers »(1827) tout en blondeur, il faut chercher dans un coins la magnifique esquisse de Géricault pour une grande composition qu'il pensa réaliser à son retour de Rome la « Course de chevaux libres » (1817) hymne à l'énergie contrariée de l'homme et de l'animal. « Le Trait de dévouement du capitaine Desse » (1831) de Gudin, furieuse scène de naufrage, est tout aussi spectaculaire. On retrouve une diversité identique avec les sculptures disposées au milieu de la salle et le long des murs : la joliesse du Henri IV enfant de Bosio voisine avec la violence rentrée du « Roland furieux »(1831 – fonte de 1867) de Duseigneur ou de la « Tuerie »d'Auguste Préault (1834).

 

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Le gothique, ce goût venu des pays anglo-saxons, bien qu'en France ce style n'ait jamais été oublié – la cathédrale d'Orléans date pour l'essentiel du XVIIIe siècle -, est partout, et l'on retrouve Notre dame de Paris jusque dans une pendule où le cadran occupe la rose de la façade ! Ultime témoin de l'incroyable succès du roman de Victor Hugo (1831), une salle entière lui est consacrée ; peintures, sculptures, papiers peints, porcelaines, mobilier « à la cathédrale »... Un petit tableau d'un peintre pratiquement inconnu, Louis-Vincent Fouquet, Le cabinet d'Alexandre du Sommerard, amateur et collectionneur de reliques médiévales installé dans l'ancien hôtel des abbés de Cluny, témoigne de cette folie. C'est le noyau de notre musée du moyen-âge actuel, le musée de Cluny.

 

L'exposition ne fait l'impasse ni sur les deux révolutions qui ont scandé et clôturé l'époque, ni sur la caricature politique qui connut alors un âge d'or. on retiendra le chef-d'œuvre de Daumier, Rue Transnonain(1834), lithographie qui dénonce une bavure dramatique où douze personnes ont perdu la vie. Pour les journées de juillet 1830, plus que les tableaux moralisateurs – ah l'insurgé qui méprise la monnaie du soldat qu'il vient d'abattre pour confisquer ses cartouches et poursuivre le combat -, le monumental Génie de la Libertéde Dumont (1834), qui somme la colonne commémorative de la place de la Bastille, dit le grand retour des principes de la Révolution.

 

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La vie culturelle si riche si vivante est difficile à représenter. Que peuvent dire, portraits à l'huile, bustes de marbre, de terre cuite, de plâtre ? Le monsieur gourmé, peint par Olof Södermark, est-il bien l'auteur de la spirituelle Chartreuse de Parme, et la jeune femme au regard profond la sulfureuse Georges Sand ? Qui verrait en la comtesse d'Agoult la future belle-mère de Wagner ? Le piano de Chopin ne s'est-il pas définitivement tu ? On pourrait multiplier les exemples. Défile ici tout ce qui compta en fait de littérature, de théâtre, de musique : auteurs, pamphlétaires, esthètes, actrices, acteurs, étoiles du demi-monde, noceurs, présents ici mais figés dans leur image d'éternité. Au fond pour bien saisir ce qui fut l'esprit de ce temps il faut aller voir l'exposition du musée de la vie romantique que la plupart de ces personnage ont hanté quand il était la demeure et l'atelier du peintre néerlandais Ary Scheffer ou errer dans le quartier de la Nouvelle Athènes où se trouvent encore leurs hôtels, les immeubles qu'ils ont habités.

Gilles Coÿne 

 

 

 

Reconstitution des galeries du Palais Royal, photo de l'auteur

Le salon au Louvre, photo de l'auteur 

Charles de Steuben, La Esmeralda, Nantes, Musée d'Arts, photo de l'auteur

Charles Dumont, Le Génie de la Liberte, 1833, plâtre, photo de l'auteur

 

 

 

 

 

 

Paris romantique, 1815 – 1848

Jusqu'au 15 septembre 2019

Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

Avenue Winston Churchill – 75008 Paris

- Tél. : 01 53 43 83 93

- WIFI : www.petitpalais.fr

- Horaires et tarifs : tous les jours de 10h à 18h, fermé le lundi, nosturne le vendredi jusqu'à 21h ; tarifs, 13€ et 11€, gratuit jusqu'à 17 ans inclus.

- Animation culturelle : conférences, concerts, ateliers, visites guidées, consulter le site du musée.

 

Et aussi : 

 

Paris romantique, 1815 - 1848 : les salons littéraires

Jusqu'au 15 septembre 2019

Musée de la vie romantique

16, rue Chaptal, 75009 Paris