Expositions

 

 

César (1921 – 1998)

 

 

 

 

Cesar Baldaccini, plus connu sous son prénom César, est un des rares artistes contemporains dont la renommé a atteint l'homme de la rue : ses compressions de voitures, le moulage de son pouce, ses expansions ont frappés ses contemporains même les plus étrangers au monde de la création et de l'art. Le Centre Pompidou lui consacre en ce moment une grande rétrospective qui fait le point sur son héritage.

 

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Ses parents, d'origine italienne – la Toscane -, tenaient un débit de boissons dans un des quartiers populaires de Marseille, et pour les aider il doit quitter l'école à l'âge de douze ans. Une vie de gêne proche de la misère. Malgré tout il réussit à entrer à l'école des beaux-Arts de Marseille où il obtient un prix de gravure, de un sculpture et un d'architecture. En 1943, il monte à Paris et est accepté à l'école supérieure des Beaux-Arts. Toujours aussi nécessiteux, il travaille dans des ateliers de fortune des matériaux pauvres et de peu de prix qu'il va rechercher dans les décharges de ferrailles ; il troque le ciseau pour le chalumeau. Ce Récup-Art avant la lettre le mènera au succès.

 

 

Mais que l'on ne s'y trompe pas César n'est pas un artiste autodidacte, un plasticien d'occasion : outre le voyage en Italie qui lui permit de découvrir les effrayantes silhouettes de Pompéiens saisis au moment de leur mort par les cendres et retrouvés près de vingt siècles plus tard – il s'en souviendra -, il y a l'enseignement de l'école, et surtout l'exemple des créateurs contemporains. C'était une période faste de la sculpture en France. Gargallo et Brancusi pour les grands anciens - il visite l'atelier de ce dernier - Giacometti son voisin, Germaine Richier, sans parler de Picasso l'inspireront... En 1954, il obtient le prix du « Collabo » et le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris lui achètera la sculpture primée le « Poisson ». à trente trois ans, après des années de galère, il est lancé.

 

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La galerie, grand plateau quasiment sans cloisons où se déploie l'œuvre du plasticien, ouvre sur le ville par une grande baie, elle offre ainsi un cadre idéal à une création qui, par sa monumentalité, ne fait pas particulièrement dans le bibelot. César, malgré sa taille – il était très petit et, qui sait, si ceci n'explique pas cela ? –, offre l'image d'un titan s'attaquant à un matériau rebelle, lourd, pour produire des réalisations puissantes d'une présence rugueuse. Il pratique une figuration austère et a-réaliste qui amènera le critique et théoricien Pierre Restany, son historien et son mentor, à l'accueillir dans le groupe des Nouveaux Réalistes dont il devient un des membres fondateurs en signant le manifeste.

 

Csar2Outre l'Esturgeon, fine résille d'éléments métalliques soudés les uns aux autres, ses grandes figures nues acéphales et sans bras que sont les deux versions de la Victoire de Villetaneuse, fontes à l'épiderme grumeleux qui doivent beaucoup à Germaine Richier, maternités vannées d'une effrayante présence, outre ces deux effigies, L'Homme de Saint-Denis, hommage à Léo Valentin – l'homme volant – qui venait de s'écraser à Liverpool dominent la première partie de l'exposition. Cette dernière sculpture de par le traitement des ailes est proche des grandes plaques abstraites faites d'éclats métalliques soudés, sortes de stèles ou de boucliers barbares souvent dédiés à des poètes, des amis, Douglas Cooper, le collectionneur Patrick Waldberg, le poète, Nicola de Staël, etc. Mais que l'on imagine pas une création systématiquement funèbre et triste, se morfondant dans une délectation morose. Son bestiaire plein de joie et d'humour en témoigne : ah l'autruche (Fanny Fanny), la poule (La Pacholette au double sens obscène), le canard, ou même La Danseuse, improbable construction d'éléments en métam aussi éloignée que possible de la légèreté prêtée à ces artistes ; Miro ne la désavouerait pas !

 

Pierre Restany a raconté sa joie quasi enfantine quand il découvre, en 1960 et à Villetaneuse en banlieue parisienne où il venait s'approvisionner en ferrailles, un monstre mécanique récemment importé des états-Unis et qui servait à emboutir et compresser les voitures hors d'usage. C'est là qu'il eut l'idée des fameuses compressions. Ce fut un beau scandale : César s'attaquait à un des symboles les plus chers des Français en ces trente glorieuses qui virent le niveau de vie croître continument : la voiture, symbole de liberté, gage d'indépendance à qui on sacrifiait tout, l'air que l'on respirait comme l'espace urbain, la voiture l'idole des Français. L'artiste était lui-même amateur de véhicules de prestige. De plus, son geste remettait en cause, sans qu'il s'en rende compte pas plus que ses contemporains, à la notion même de créateur : pour la première fois un artiste concevait une œuvre et en confiait la réalisation à d'autres, ne livrant que l'idée. C'est chose courante aujourd'hui où un Damian Hirst ou d'un Jeff Koons atteignent des cotes fabuleuses. Par ses compressions, César atteint le statut de plus grand sculpteur de sa génération. Plus de trente ans plus tard, en une sorte de testament, Il reprend les compressions de voitures mais dans une toute autre dimension. La Suite milanaise, quinze autos neuves Fiat, peintes avec la gamme des couleurs de la marque, scintillent sous les projecteurs. C'est joli, élégant, mais le culot n'est plus là, on ne retrouve plus la puissance des premières compressions, leur magnifique insolence...

 

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Parallèlement, il explore d'autres voies : il fait des moulages anatomiques. Son Pouce, qui se dresse sur la Piazza Beaubourg sur plus de deux mètres de haut, qu'il décline en différents matériaux et à des dimensions tout aussi variées ; le sein d'une danseuse du Crazy Horse qu'il moule dans de la mousse expansée, de proportions diverses, posé à plat ou suspendu au mur en une parodie de sensualité. Il reprend ce matériau typique du XXe siècle qu'est le plastique et ses infinies variantes pour créer des Expansions, aux formes aléatoires et aux couleurs aussi vives que brillantes. Ces molles ondulations pétrifiées symbolisent bien un temps de consensus anesthésiant. Enfin, il décline cette matière en d'infinies variations, empaquetant dans le plexiglass une machine à écrire, en faisant déborder d'improbables mousses d'ustensiles de cuisine...

 

Son inventivité ne connaîssait pas de limite, il fit compresser toutes les matières imaginables, il enserre une authentique tête romaine en marbre dans un réseau métallique. L'œuvre majeure de cette dernière période n'est présente ici que par sa maquette en plâtre Le Centaure, Hommage à Picasso, pour lequel il superpose un double masque, le sien et celui du maître, hommage au plus grand créateur du XXe siècle, mais aussi à la sculpture classique de l'antiquité. Cette création était une des treize commandes faite par le musée d'Antibes pour l'exposition Bonjour Monsieur Picasso au lendemain de sa disparition. Amplifiée, de proportions monumentales, elle orne aujourd'hui un carrefour parisien.

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Vue de l'exposition, photographie de l'auteur

2 - Esturgeon, fer forgé et soudé, 81 X 340 X 98 cm. © MNSM / Centre Pompidou, Paris, © ADAGP Paris, photo de l'auteur

3 - Compression "Ricard", 153 X 73 X 65 cm., MNAM / Centre Pompidou, Paris, © SBJ / Adagp, Paris 2017, photo Centre Pompidou MNAM - CCI / Adam Rzebka

4 - Vue de l'exposition, Empreintes humaines, photo de l'auteur 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

César,

La rétrospective

13 décembre 20°17 – 26 mars 2018

Centre Pompidou

75191 Paris cedex 04

- Tél. : 01 44 78 12 23

- internet : www.centrepompidou.fr

- Horaires et tarifs : tous les jours sauf le mardi et le 1r mai de 11h à 21h ; tarifs 14€ et 11€, gratuité pour les moins de 18 ans. Pour les moins de 26 ans, les enseignants et les étudiants des écoles d'art, de théâtre, de danse et de musique et pour les membres de la maison des artistes, gratuité pour la visite du musée, billet à tarif réduit pour les expositions.

- Publications : Catalogue sous la direction de Bernard Blistène et Bénédicte Ajac, 256p., 300 ill., 39,90€ ; L'Album de l'exposition sous la direction de Bernard Blistène et de Caroline Edde, 60p., 60 ill. ; 9,50€. Le Film de l'exposition, DVD Arte, un documentaire de Stéphane Ghez sur une idée de Françoise Docquiert, 52 minutes, 19,90€.