Expositions

 

 

Anders Zorn (1860 - 1920)

 

 

 

 

Le XIXe siècle est la période où l'aquarelle a connu son acmé. Cet art si délicat, si subtil, mais aussi si difficile, était alors et sans conteste, l'apanage des anglo-saxons ; mais pas seulement. Le musée du Petit Palais à Paris en apporte la preuve avec l'exposition qu'il a organisée autour de l'œuvre du Suédois Anders Zorn. Aquarelles, dessins, peintures mais aussi de superbes gravures déclinent les diverse facettes d'un art fait d'un brio et d'une habileté sans pareils.

 

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Ce peintre, célèbre aujourd'hui dans les pays nordiques et pratiquement inconnu chez nous bien que le musée d'Orsay conserve quelques toiles de lui, connut en son temps une notoriété mondiale et autour des années 1900 était considéré comme un des maîtres de la peinture. Notoriété due à son talent, certes, mais aussi au fait qu'il fit de longs séjours à l'étranger avant de se retirer dans son pays natal, la Dalécarlie. Il vécut à Paris une dizaine d'années mais aussi à Londres, en Italie, aux états-Unis à la fois pour se rapprocher de sa clientèle internationale et pour enrichir son expérience.

 

Anders Zorn est donc né en Dalécarlie, une province suédoise qui était alors un véritable conservatoire de la vie traditionnelle. Toute sa vie il garda une grande nostalgie de son petit pays qu'il représentera et dans lequel il viendra finir ses jours. Ses deux maisons, devenues musées aujourd'hui, ont fourni avec le Kunst-Historische museum de Stockholm, l'essentiel de l'exposition, la Bibliothèque Nationale de France, quant à elle, qui conserve un riche ensemble de ses gravures, s'est chargée de le partie graphique qui n'est pas moins importante tant par sa quantité que par sa qualité.

 

Zorn1Anders Zorn est né et a été élevé par sa mère et sa grand-mère dans une ferme des environs de Mora. Il n' a jamais connu son père, un brasseur allemand, avec qui sa mère eut une brève liaison. Ce dernier qui l'a reconnu lui légua une somme importante à sa mort en 1872, somme qui permit au jeune homme d'entreprendre des études artistique et de financer ses premiers voyages. C'était un bûcheur et il fit de rapides progrès ; l'aquarelle qu'il présenta à vingt ans à l'Académie des Beaux-Arts de Stockholm stupéfia ses aînés par sa virtuosité. En Deuil, représente la tête d'une jeune femme vêtue de noir vue de trois quart dos. Il a su rendre à merveille les transparences du tulle noir sur le jeune visage et la chevelure de son modèle. Cependant, rapidement, il prend ses distances par rapport à l'enseignement académique très conventionnel de Stockholm et il quitte le pays en 1881. Long voyage d'étude qui le mène à Paris, à Londres et en Espagne. Il ne reviendra qu'en 1885 pour épouser Emma Lamm, une jeune fille de la bonne société avec laquelle il s'était secrètement fiancé avant son départ.

 

L'artiste mena une existence vagabonde ne revenant dans son pays que pour se ressourcer se fixant ici ou là pour des mois, des années. Il était considéré comme un des portraitistes majeurs de l'époque et pratiquait des prix si élevés que parfois ses toiles furent refusées. Il œuvrait chez ses clients pour mieux saisir l'atmosphère de leur environnement. Une salle entière est consacrée ici à ces effigies élégantes, souriantes ou sérieuses, conscientes de leur importance sociale, véritable parade des vanités de ce monde. Il fait aussi bien sinon mieux que ses grands concurrents, les Boldini, les Sargent, les Carolus-Duran... On admirera, mais on sera rarement touché. Ne cherchons pas ici une quelconque complicité entre artiste et modèle. Plus intéressantes sont les effigies de ses amis, de ses relations intellectuelles et artistiques, qu'il sait mettre en situation par des cadrages surprenants, pour les rendre plus proches, plus humains ; le portrait de l'intellectuel Viktor Rydberg (1886) est caractéristique à cet égard.

 

Voir aussi le beau portrait de la danseuse espagnole Rosita Mauri, l'artiste l'a peinte un peu en retrait en arrière d'une nature morte de vêtements froissés et de la camériste servant de repoussoir. Plus novateur est la double effigie des demoiselles Schwartz dessinant, elles aussi déportées vers le fond apparaissant dans le triangle des montants de leurs chevalets, tandis qu'au premier plan grimace un plâtre qu'elles sont en train de reproduire. Plus audacieux encore celui des petites filles de Ramón Subercaseaux qu'il a déportées sur le côté gauche de la toile ne craignant pas de créer un vide dynamique sur la droite. Il peint une véritable scène de genre, scène familière et tellement juste où chacun est plongé dans son activité favorite, en représentant, à l'aquarelle, Cécile, Mathilde et Pierre, enfants de l'homme d'affaire Ernest May.

 

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La Gravure où Ernest Renan, vu en plongée au milieu d'un fatras de papiers et de livres ouverts, dit bien la concentration du philosophe, sa puissance de travail, son incroyable culture historique. On admirera l'intensité avec laquelle le burin griffe la plaque en un désordre savamment maîtrisé. Anders Zorn fut un maître de l'estampe tel un Rembrandt du XIXe siècle - il admirait et collectionnait le vieux maître d'Amsterdam. Les différents épreuves réunies ici en font une éblouissante démonstration. Elles proviennent de la Bibliothèque Nationale de France qui grâce à plusieurs dons conserve une collection presque complète de cet œuvre gravé. Il serait faux de voir dans cette activité un aspect secondaire : parfois les copies qu'il exécuta à partir d'aquarelles et de peintures dépassent en modernité et en force l'original. Il n'est que de citer un des portraits de Rosita Mauri : il tire d'une aquarelle assez mièvre il faut bien le dire une interprétation puissante grâce à des griffures, des ratures semblant être posées comme au hasard.

 

Zorn3Anders Zorn fut aussi un peintre de paysage et il a abordé la peinture de genre en illustrant une Suède Traditionnelle. Il est le maître incontesté de l'eau et de ses reflets. Leurs jeux parfois éclipsent le véritable sujet : Le Port d'Alger montre deux Algériennes en costume traditionnel attendant la barque qui va les transporter sur l'autre rive. La ville noyée dans la brume a moins de présence que la surface de l'eau aux lourds reflets. Tout aussi paradoxal est le Port de Hambourg, qui pourrait bien être n'importe quel autre, dédié entièrement aux jeux des clapotis sous un ciel plombé. Un rameur et une jeune femme en tenue estivale qui l'attend ne sont qu'un prétexte aux infinies variations de la mer caressée par une légère brise dans Vacances d'été.

 

 

Cette distance par rapport au sujet est un de ses tics, en témoigne l'importante peinture à l'eau, Notre Pain quotidien. Nous voyons une vieille femme (la grand-mère de l'artiste), accroupie dans un fossé herbu surveiller la soupe des moissonneurs. Ces derniers déportés au fond et en contre plongée sont de simples silhouettes ; construction ingrate au premier abord puisque le sujet se limite à décrire le foisonnement des mauvaises herbes, la vieillarde repliée sur elle-même, une marmite noircie, un panier cabossé et cependant c'est superbe. On retrouve la même distanciation dans Le Marché de Mora où le sujet du titre est reporté dans un triangle au fond montrant les paysans sur leurs attelage allant à la foire tandis qu'au premier plan un couple de jeunes gens se repose dans l'herbe. Plus classique est la Danse de la Saint-jean qui voit les couples enlacés virevolter dans l'ambiance d'un crépuscule qui s'éternise.

 

Le peintre a aussi abordé le nu ; des nus réalistes où les modèles sont représentés sans complaisance avec leurs imperfections et leur vigueur de solides paysannes. Ce ne sont pas des modèles professionnels, il fera ainsi poser une femme de chambre de son hôtel à New York. Il frôle même la pornographie en représentant une femme à quatre pattes vue de dos. Cette séquence, la dernière de l'exposition, est assez déroutante. On admirera surtout Femmes s'habillant après un bain dans la mer : elles se sont cachées dans la végétation ce qui donne lieu à de superbes effets de tâches de lumière, sur les corps, les linges, l'herbe. Disons le franchement, il est nettement supérieur à son ami Renoir dans ce registre...

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

Emma Lisant, huile sur bois, 1887. Musée Zorn, Mora, Suède © DR

Kirkviken, Lidingö, aquarelle et gouache, 1883. Musée Zorn, Mora, Suède © Photo Per Bergström

Minuit, huile sur toile, 1891. Musée Zorn, Mora © Photo Lars Berglund

Vacances d'été, aquarelle, 1886 © Collection particulière/Photo Hans Thorwid

 

 

 

 

 

 

 

 

Anders Zorn

Le maître de la peinture suédoise

15 septembre 2017 – 17 décembre 2017

Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

Avenue Winston Churchill, 75008 Paris

Tél. : 01 53 43 40 00

Internet : www.petitpalais.paris.fr

Tarifs et horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le vendredi jusqu'à 21h. Entrée payante pour les seules expositions temporaires, 11€ et 9€, un billet combiné donne accès à l'autre exposition, L'Art du pastel de Degas à Odilon Redon, 15€ et 11€.

Publication : Catalogue de l'exposition, textes de Johan Cederlund, James Ganz, Christophe Leribault, Carl-Johan Olsson et Vibeke Röstorp.

Activités culturelles : Conférences, projections de fimes, concert le 10 décembre. Consulter le site du musée. Visites guidées, Ateliers (dessin, gravure et poésie, gravure).