Une œuvre, un regard

 

 

Sturtevant : The House of Horrors

 

 

 

Le Musée d'art moderne de la ville de Paris expose de nouveau l'installation qu'il avait commandé à l'artiste américaine Sturtevant qui vient de nous quitter. Une occasion de revoir une oeuvre où l'humour et la dérision le disputent à la réflexion.

1_house of horrors rsolution de lcranL'œuvre se présente comme un train fantôme de foire : Une muraille « gothique », ornée de squelettes et de crânes ricanant et d'une inscription sanguinolente annonçant « The House of Horrors », est percée de deux portes. L'une, à gauche, avale le visiteur assis dans des chariots de cauchemar tandis que l'autre, à droite le vomit quelques instants plus tard. Entre temps, dans une obscurité totale, le voyageur/voyeur va de station en station, de flash en flash, affronter diverses scènes « horrifiantes » : aux ingrédients habituels (squelettes, chauve-souris, images trash ) s'ajoutent des références plus insolites, Frankenstein, épouvantails de style Halloween. Enfin, plus énigmatique, une grosse dame, en bas résille et outrancièrement maquillée, renifle le derrière d'un caniche offusqué. En sortant on se voit donner un billet où se lit : « Même pas peur ! »

Non personne n'a eu peur! Le second degré a fonctionné. Poussera-t-on un peu plus loin dans l'analyse?

Par exemple, la grosse dame : ce n'est pas un mannequin, elle est bien là en chair et en os, c'est la seule scène traitée ainsi. La référence explicite, pour les amateurs de cinéma underground, est bien évidemment la séquence culte du film de John Waters « Pink Flamingos » où l'on voit l'héroïne, le travesti Divine, manger une crotte toute chaude qu'un caniche vient de faire. Précisons que le plan séquence ne laisse planer aucun doute sur la réalité de la performance de l'acteur!

Provocation? Peut-être mais la séquence, qui donne un haut-le-cœur, met le doigt, en le pervertissant, sur l'un des refus les plus puissants des sociétés humaines : l'horreur des déjections, horreur qui, cependant, n'est pas incompatible avec d'autres pratiques ou habitudes tout aussi répugnantes et qui, bien que moins physiques, ne gênent personne.

Sturtevant est une femme discrète et il n'est pas sûr que cette analyse l'au convaincue totalement. Peut-être n'appréciait-elle que modérément les films de John Waters, ou le roman de Mary Shelley (Frankenstein) et pas du tout les farces d'Halloween, ou encore moins les faits-divers sanglants que goûtaient pourtant les Surréalistes qu'elle admirait... Mais une chose est certaine elle a laissé au visiteur la liberté : renouer avec les plaisirs de l'enfance? Aller plus loin? À lui de choisir...

 

Gilles Coÿne

 

Sturtevant, The house of horror

Musée d'art moderne de la ville de Paris / ARC

11 avenue du Président Wilson 76016 Paris

www.mam.paris.fr