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Expositions

 

 

Finoglio, un maître du baroque napolitain

L'exposition a fermé ses portes mais nous signalons à ceux qui ont aimé la peinture de Finoglio et qui souhaitent aller plus loin dans la compréhension de son oeuvre que France Musique consacre cinq émissions au Tasse dans le cadre de "Le Jardin des Dieux", dimanche matin de 8h10 à 10h.

 

 

 

Finoglio à Lille, Barbault à Strasbourg, l'Academia Carrara à Caen, décidément le programmation des musées de province est autrement stimulante et innovante qu'une saison parisienne un peu terne. Paolo Domenico Finoglio (1590-1645), auquel Lille rend hommage, est un peintre baroque napolitain dont la carrière s'est déroulée pendant l'une des périodes les plus heureuse, sur le plan artistique, de la grande cité : les débuts du XVIIe siècle. Sont présentées ici 10 toiles, en quelque sorte son testament artistique, racontant les principaux épisodes de la Jérusalem délivrée du poète italien Torquato Tasso, dit Le Tasse en français.

1- paolo domenico finoglio olinde et sofronia pinacoteca paolo domenico finoglio conversano italieLe plasticien Alain Fleischer, chargé de le mise en espace des 10 tableaux a imaginé une scénographie ambitieuse qui plonge le visiteur dans l'ambiance de la galanterie baroque dont cette série est un brillant exemple. Après avoir franchi un sas d'entrée où il peut entendre la lecture du poème qui a inspiré le cycle, il entre dans le vaste espace lumineux et serein de l'atrium. Le lieu est traversé par une diagonale de neuf grands tableaux sombres et mouvementés, disposés en ligne sur des socles gris, tête bêche – une face, un revers, une face ; il ne découvrira le 10e, Clorinde est baptisée, acmé de cette série pleine de passion, de bruit et de fureur, qu'en fin de parcours.

La Jérusalem est un vaste poème du plus de 15000 vers en 20 chants, publié en 1580/1 et aujourd'hui bien oublié, il enchanta et fit rêver l'Europe pendant deux siècles et inspira peintres, décorateurs et musiciens. L'épopée raconte de façon lyrique et symbolique la prise de Jérusalem par Godefroy de Bouillon en 1100. Le lecteur passe d'une scène de combat chevaleresque à un épisode romanesque, où se mélangent lyrisme et merveilleux, sacré et profane ; il vibre aux amours tragiques qui unissent des personnages que tout oppose ; il est emporté par un terrent d'images contrastées et puissantes. Bien ce que ce texte peu soit peu lu aujourd'hui, du moins en France, il a inspiré de nombreuses oeuvres auxquelles nous sommes encore sensibles. Que l'on songe, dans le domaine musical, au mini opéra de Monteverdi le "Combattimento di Tancredi e Clorinda".

5- paolo domenico finoglio renaud et armide dans le jardin enchant  pinacoteca paolo domenico finoglio conversano italieLe cycle de tableaux a été créé dans le cadre du vaste remaniement du château de Conversano dans les Pouilles qu'avait entrepris à l'occasion de son mariage en 1622 Giangirolamo II Acquaviva d'Aragon comte de Conversano. Il fit appel à Finoglio, alors l'un des maîtres incontestés de l'art napolitain, lequel s'installa dans la petite ville où il devait finir ses jours. Le peintre décora de fresques claires le plafond de la Chambre des époux avant de peindre en couleurs sombres les dix épisodes du cycle.

Ce sont de grandes toiles de 2,60 sur 3mètres, dont les personnages, peints grandeur nature, occupent tout l'espace, les paysages, les personnages secondaires se réduisant à quelques éléments, à quelques silhouettes pour situer l'action : loin, très loin, quand le sujet l'exige, une foule combat, prend d'assaut une forteresse... On reconnaît les héros de scène en scène ce qui donne au spectateur l'impression d'assister à une pièce de théâtre. L'art de Finoglio s'inspire des formules d'un maniérisme dépassé vivifiées par le ténébrisme introduit à Naples par le Caravage. Mais on ne retrouve pas ici la veine populaire, voire vulgaire, qui faisait la puissance du maître. Il est vrai que ni le thème de la série, ni le lieu auquel elle était destinée n'autorisaient un telle licence : le comte n'aurait certainement pas apprécié de voir s'agiter sur ses cimaises gueux, truands et prostituées...

3- paolo domenico finoglio raymond de toulouse affronte argant en duel pinacoteca paolo domenico finoglio conversano italiePeinture sombre, austère, le peintre admirait Ribera qui l'influença : voir à ce sujet le personnage accroupi au premier plan à gauche comme repoussoir dans le tableau consacré à l'histoire d'Olinde et de Sophronie, il est espagnol en diable alors que le vieillard à droite est caravagesque. Mais, quand le sujet l'exigeait Finoglio sut varier et réchauffer sa palette comme en témoignent les quatre tableaux consacrés à l'histoire de Renaud et Armide ; ils forment une mini série au sein de l'ensemble. L'armure et les chausses bleues de Renaud, son écharpe jaune pâle, le manteau rouge orangé d'Armide forment un contraste d'un grand raffinement, de même on remarquera que le groupe pyramidal des deux amants enlacés dans le jardin enchanté s'oppose avec bonheur aux deux « voyeurs » cachés dans le feuillage d'un arbuste - les compagnons du guerrier qui viennent l'arracher aux bras de l'enchanteresse.

Les tableaux sont structurés de manière variée : les uns sont organisés en frise, l'animation de l'action reposant sur la gestuelle et les expressions des personnages et renforçant ainsi leur théâtralité : Olinde et Sophonisbe, Armide tente de retenir Arnaud... d'autres, plus dynamiques, s'organisent selon des diagonales qui se contrarient, ou encore en cercle, en ove - Raymond de Toulouse affronte Argant en duel...

4- paolo domenico finoglio clorinde reoit le baptme de tancrde pinacoteca paolo domenico finoglio conversano italieTancrède baptise Clorinde qui clôt l'ensemble est la toile la plus heureusement structurée : C'est la nuit, l'action est éclairée par des feux en arrière. Tancrède, qui vient de terrasser son ennemi, découvre que le vaillant guerrier est Clorinde la sarrasine dont il est amoureux. Avant de mourir cette dernière lui demande le baptême. À droite, la jeune femme étendue, le tête renversée le bras ouvert formant une courbe et une contrecourbe, contemple le héros qui, accroupi en un geste contrasté la regarde, lui tend un bras et de l'autre puise l'eau d'un ruisseau pour administrer le sacrement. La dynamique de la scène est construite sur toute une série de lignes de force qui se répondent, s'opposent, se complètent.

On remarquera enfin la richesse de la vêture des protagonistes : l'armure d'acier noir damasquinée d'or de Tancrède, les casques emplumés, les lambrequins à pompons qui ornent soldats et chevaux, les soieries richement brodées, les failles lourdes aux plis cassés, les bijoux des femmes. Ce monde épique est un monde de luxe, étranger à la réalité prosaïque de la Naples d'alors. La ville était la proie d'agitations continuelles, de révoltes, de pestilence. Rien de tout cela ne transparait ici...

Gilles Coÿne

 

 

Olinde et Sophronie © Pinacoteca Paolo Domenico Finoglio, Conversano, Italie

Renaud et Armide dans le jardin enchanté © Pinacoteca Paolo Domenico Finoglio, Conversano, Italie

Raymond de Toulouse affronte Argant en duel © Pinacoteca Paolo Domenico Finoglio, Conversano, Italie

Clorinde reçoit le baptême de Tancrède © Pinacoteca Paolo Domenico Finoglio, Conversano, Italie

Finoglio, Un maître du baroque napolitain

Jusqu'au 29 août 2010

Palais des Beaux-Arts de Lille

Place de la République, 59000 Lille France

Tél. : 00 33 (0)3 20 06 78 18

Internet :www.pba-lille.fr

Publication : Paolo Finoglio, La Jérusalem délivrée. - 2010, Paris/Lille, Somogy éditions d'art / Palais des Beaux-Arts, 80p., 40 illustrations. 19€. Le catalogue reproduit les poèmes qu'illustrent les tableaux et permettent ainsi de confronter le texte original à l'interprétation qu'en donne le peintre.