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Expositions

 

 

 

Napoléon

 

 

 

 

Napoléon est un des moins aimés des Français parmi des figures historiques de notre pays. Il se situe en avant-dernière ligne juste avant Louis XIV, monarque honni, c'est dire... Une exposition événement à la grande halle de la Villette, organisée à l'occasion du bicentenaire de sa mort, a l'ambition de décrire un homme complexe qui, finalement, vaut mieux que sa disgrâce actuelle. Si l'on veut le juger, manie contemporaine qui consiste à évaluer les êtres et les événements d'hier au nom des principes d'aujourd'hui, il convient de le replacer dans son temps et de le comparer aux dirigeants de l'époque. Or qui sont-ils ? Des brutes réactionnaires qui se considéraient comme les propriétaires de leurs sujets en dépit, dans le meilleur des cas, d'un maquillage aux couleurs du despotisme éclairé et pour l'Angleterre qui s'apprêtait à mettre le monde en coupe réglée, des négociants matois doués d'une féroce appétence pour l'argent. On lui a reproché ses guerres incessantes oubliant au passage que ces conflits étaient, bien souvent, suscités et financés par la City et que les monarques européens si vains de leur généalogie n'agissaient en somme qu'en mercenaires. En vérité l'Europe monarchique d'alors ne pouvait accepter la Révolution françaises et ses principes et c'est la gloire de Napoléon, en dépit de ce que l'on peut penser de lui et des nombreuses zones d'ombre qui émaillent sa carrière, de les avoir raffermis et d'en avoir assuré la pérennité : « j'ai toujours pensé que la souveraineté réside dans le peuple... »

 

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La Villette est dans son ordinaires un vaste plateau vide que l'on peut organiser en fonction du sujet à l'aide de portants et de tentures. Cela donne aux manifestation qui s'y tiennent un petit côté attraction foraine qui, paradoxalement, colle assez bien avec la carrière de Napoléon et rend bien compte d'une époque instable où tout était possible : « Pouvu que cela doure »  prophétisait, dit-on, Mme Mère en son redoutable accent corse. N'oublions jamais qu'entre les débuts de celui qui fut empereur et la chute il ne s'est même pas écoulé vingt-cinq ans !

 

Toute la vie de l'homme est ainsi décrite en tableaux, en dessins, en sculptures, en objets, des bornes vidéos donnent la paroles aux spécialistes qui éclairent un aspect particulier du personnage. C'est une tentative globale qui décrit aussi bien le militaire que le chef d'état, l'homme privé, ses femmes - enfin celles qui ont compté, les autres... la frivole et séduisante Joséphine dont il fut toujours un peu amoureux, Maria Walewska qui se sacrifia pour une illusoire résurrection de la Pologne, Marie-Louise qui le déçut par son tempérament popote et limité, son fils, sa famille, il en fit au gré des circonstances des souverains (plutôt moins incompétents que les autres, les « légitimes »).

 

Le parcours suit, bien entendu, le cursus chronologique: il s'ouvre par la chambre de l'élève du collège de Brienne, établissement créé pour l'éducation des jeunes nobles impécunieux, il le fut. Le mobilier simple, quasi monastique, voisine avec un extrait du Napoléon d'Abel Gance, en fond de la cellule la reproduction d'une illustration de Job, dessinée en 1910 pour le Napoléon de Montorgueil, luxueux ouvrage destiné aux jeunes Bourgeois de l'époque. Cette hétérogénéité comme la riche variété des moyens utilisés pour appréhender l'homme en ses multiples facettes, fait tout l'interêt de l'exposition. Le circuit se termine sur une très contemporaine installation où une sculpture de marbre italienne, du Second Empire, le figurant usé, malade, prostré dans un fauteuil, se détache dans l'obscurité, ombre dans l'ombre, sur un fond crépusculaire, symbole d'un dénouement quasi wagnérien. Très fort, très beau...

 

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Ces « Period Rooms », pour emprunter le jargon des anglo-saxons, illustrent en la rendant attractive la trajectoire d'un homme qui a profondément marqué l'histoire de l'Europe. La salle du trône par exemple dans son luxe ostentatoire – c'est la loi du genre pour ce type de lieu – toute en or et en pourpre avec le trône doré, surdoré, les torchères antiquisantes de Thomire, les portraits en pied tout en majesté, sur fond de reproduction, grandeur nature, du Couronnement de David, intransportable depuis le Louvre mais qu'une bande-son analyse en détail est typique... Tout aussi réussie, l'ambiance de la vie en campagne avec la tente de l'empereur et son mobilier rationnel voisinant avec les canons prêts à tirer, les pyramides de boulets, les mannequins vêtus des uniformes de la Grande Armée le tout sur fond de projection cinématographique : La charge de cavalerie extraite du « Colonel Chabert » d'Yves Angelo. 

 

L'accent est enfin mis sur une politique économique qui fut pour lui un souci constant, on n'en a pas toujours conscience aujourd'hui : on insiste ici sur le scandaleux rétablissement de l'esclavage dans les îles qui fait l'objet d'un sobre et sombre espace. Il faut s'arrêter et suivre les vidéo retraçant l'histoire complexe des Antilles françaises d'alors. Il a favorisé aussi le développement d'un artisanat de luxe qui assoit définitivement notre pays comme leader dans ce domaine. Porcelaines, orfèvrerie, mobilier, soieries étincellent dans les vitrines c'est très séduisant et c'est l'un des grands charmes de l'exposition.

 

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Arrivé au terme de cette article peut-on faire état quand même d'une certaine déception ? On regrettera la médiocrité de nombreux documents, les portraits entre autres - beaucoup de copies - et une certaine pusillanimité des organisateurs qui tout à la recherche de documents rares de tableaux peu connus en ont oublié de rendre le souffle d'une époque toute de passions et de violences. Peu d'œuvres de grande qualité et en dehors du Bonaparte au pont d'Arcole de Gros et du Bonaparte, Premier consul franchissant le Grand-Saint-Bernard de David, peu de choses en dehors de ces superbes toiles. Pour illustrer la guerre d'Espagne et, le côté atroce de l'épopée, est-il possible de se contenter de tableaux anecdotiques comme si Goya et ses Désastres de la Guerre n'avaient jamais existé.. ? Pourquoi aussi ne pas avoir fait de place aux caricaturistes anglais ? on aurait bien aimé voir Rowlandson ridiculiser la cour et la famille impériale en contrepoint des mornes séries de bustes. Surtout pourquoi avoir ignoré le lucide Plum-Pudding de Gillray montrant le premier ministre anglais William Pitt et Napoléon se partageant le monde et le trouvant trop petit pour leur dévorant appétit. Ce dessin aurait mis bien des choses en place, car là le dessinateur frappe juste.

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Napoléon

28 mai – 19 décembre 2021

Grande Halle de le Villette

211, avenue Jean Jaurès

75019 Paris

- sites internet : www.expo-napoleon.fr ; histoire par l'image, https://histoire-image.org/fr ; Hors série Napoléon,https://histoire-image.org/fr/hors-séries/napoleon-bonaparte ; Les clés pour comprendre une œuvre majeure : Le Sacre de l'empereur Napoléon et couronnement de l'impératrice Joséphine par David, https://histoire-image.org/etudes/sacre-napoleon?to=animation ; panorama de l'art, https://panoramadelart.com ;

Tél : 01 40 03 75 75

- Horaires et tarifs : tous les jours de 10h à 19h ; tarifs 20€ det 15€ (8 - 25 ans), gratuit pour les 0 – 7 ans.

- Publications : Catalogue, éditions Rmn – Grand Palais, Paris, 2021, 272p., 200 illustrations, 25€ ; Journal de l'exposition, Xavier Mauduit, 24p., 40 illustrations, 6€ ;  Voyage dans le Premier Empire avec Napoléon, coll. « Des jeux, de l'art, une histoire !, coédition Minus et Rmn – Grand Palais, 48p., 20 illustrations, 7,5€ ; Napoléon à Versailles, guide par Frédéric Lacaille, Lionel Arsac, Yves Carlier, préface de Catherine Pégard, introduction de Laurent Salomé, coédition du château de Versailles et RMN – Grand Palais, 192p., 175 illustrations, 18€.

- Programmation culturelle : conférence, manifestations, consulter le site de l'axposition.

- Activités pédagogiques : visites et nombreux ateliers pour adultes et enfants consulter le site de l'exposition.