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Expositions

 

 

 

Al-Ulâ

L'oasis aux 7000 ans d'histoire

 

 

 

 

L'Institut du monde arabe nous convie à faire un beau voyage dans l'histoire en Arabie Saoudite. En Arabie Saoudite ? Dans notre imaginaire le pays est un vaste désert, certes ponctué d'oasis et de villes modernes, mais que l'on voit mal recéler des trésors archéologiques encore moins artistiques. Notre imaginaire a tort et l'exposition proposée par l'Institut dont le sujet neuf devrait intéresser les passionnés d'archéologie et de beautés naturelles drvtait remettre les pendules à l'heure. Le public découvrira ici tout un pan du panorama de la Méditerranée antique dont la il ignorait jusqu'à l'existence. 

 

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L'exposition s'inscrit dans le cadre d'un redéploiement des activités économiques du pays qui a décidé de se lancer dans le tourisme et d'ouvrir au public international une région d'autant plus ignorée que jusqu'à il y a peu elle était interdite d'accès. Il est envisagé de construire toutes les structures nécessaires pour l'accueil et le confort des touristes et même d'assouplir les lois vestimentaires du royaume extrêmement strictes comme on le sait. 

 

Al-Ulâ est une vallée encaissée d'une trentaine de kilomètres au Nord-Ouest du pays, seul passage au milieu de montagnes aussi majestueuses qu'inhospitalières entre le Moyen-Orient et la péninsule arabique. Elle fut de tout temps traversée par les caravanes, véhiculant biens et idées, ce trafic intéressant surtout l'encens venant de l'Arabie heureuse (le Yemen). Un film spectaculaire de Yan Arthus-Bertrand projeté sur les parois décrit ce pays de roches sculptées par le vent et le sable, de passages étroits, d'échappées soudaines où l'eau et les horizons infinis se marient en un superbe spectacle naturel. Bien que la pluie soit rare ici, l'eau est abondante qu'il faut parfois aller chercher dans les nappes phréatiques affleurant la couche de terre. Remontée à la surface par tout un système astucieux qui est décrit précisément au moyen d'objets et de schémas, elle permet une agriculture typique des oasis. Trois étages : le palmier dont le plumet oscille au vent à plus de vingt mètres et protège de la dessiccation les arbres fruitiers en dessous – orangers, figuiers, manguiers, grenadiers etc. -, enfin à même le sol les légumineuses et les céréales.

 

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Des premiers occupants de la préhistoire, dont on n'ignore à peu près tout, restent d'énigmatiques tombes, amoncellements de pierre, et des graffitis assez amusants parfois – ah ces autruches carrées ! De la période pré-islamique (VIIe siècle avant j.-C. VIe après) on retiendra surtout les royaumes du Dadan et l'ère Nabatéenne et romaine qui lui a fait suite.

 

Dans le royaume et la cité du Dadan, cités plusieurs fois dans la Bible, étape importante sur la route de l'encens, se développa du VIe au Ir siècle avant J.-C. une civilisation brillante, pratiquement inconnue hors des spécialistes. Elle est la révélation de l'exposition : les grandes statues taillées dans le grès rouge, colosses massifs plus hauts que nature, sommés de têtes stylisées, effigies trouvées dans les ruines du sanctuaire de Dadan sont impressionnantes. Corps hiératiques, à la musculature excessive, on dirait body-buildés en novlangue, brisés au niveau du genou (vandalisme religieux?), le poing fermé, ils forment une sorte de garde redoutable de par leur force brutale. Les visages, quand ils n'ont pas été martelés (vandalisme religieux là encore ?), sont bien moins réalistes. On retrouve ici l'influence égyptienne pour le hiératisme, grecque ou plutôt moyen-orientale. Les artistes de ces contrées, comme souvent au Moyen-Orient sont d'excellents sculpteurs animaliers : les frises d'ibex, sorte de chèvre sauvage de ces contrées, avec leurs grandes cornes formant une ondulation élégante sur les colonnes et sur les bas-reliefs, ou encore la lionne allaitant ses lionceaux. Le tout non sans une pointe d'humour : un voyageur sur son dromadaire traité en graffiti, le petit lion de bronze qui ressemble plus au Milou de Tintin qu'au roi des animaux...

 

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Les Nabatéens ont étendu leur empire jusqu'ici, depuis le IIIe siècle avant J.-C., jusqu'à l'arrivée des Romains qui leur ont succédé au 1r siècle après. Comme à Petra, il reste autour de Hégra, capitale, quatre-vingt-quatorze sépultures creusées dans les falaises ou dans de grands rochers isolés. Mais ici pas de majestueuses tombes aux pronaos à colonnes, à architraves et corniches exubérantes pas de frontons non plus, comme à Petra, mais de simples façades lisses cantonnées de pilastres en faible relief surmontées d'un motif en escalier. Leur grandiose austérité les rendant peut-être plus saisissantes. Nous ne pouvons que nous contenter de photos panoramiques représentant ces ensembles spectaculaires. Une vidéo décrivent le travail des maçons. Un squelette de jeune femme et les restes morbides de linceuls imprégnés de Dieu sait quelles substances disent le soin et le respect apportés aux morts, une vidéo de funérailles complètent ces témoignages.

 

Des divers objets qui subsistent de cette période et de l'occupation romaine, on notera la statuette en bronze d'une chèvre petit chef-d'œuvre de naturalisme mâtiné d'une discrète stylisation ; les même qualités se retrouvent dans les représentations de chameaux datant de la période des états pré-islamique qui ont suivi.

 

Après un rapide survol de la période islamique, marquée bien entendu par l'interdiction de la figuration, le parcours se clôt par une évocation en quelques objets et de grandes photos du chemin de fer construit par le sultan Abdülhamid au début du XIXe siècle dans le but de faciliter la pèlerinage depuis Damas. Les voies, les machines à vapeur, les wagons, sont encore là, bien que la ligne se soit arrêtée dans les années vingt du XXe siècle. Tout cela est intact, un peu rouillé peut-être, mais devrait intéresser les passionnés des trains historiques.

 

Un beau voyage vraiment, 

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Al-Ulâ, merveille d'Arabie

L'oasis aux 7000 ans d'histoire

9 octobre 2019 – 19 janvier 2020

Institut du Monde arabe

1, quai des fossés St-Bernard, 75005 Paris

www.imarabe.org

- Horaires et tarifs : mardi, mercredi, jeudi, vendredi 10h – 18h, samedi, dimanche et jours fériés 10h – 19h. Fermeture lundi. Tarifs, 12€, tarif réduit 10€, 18-25 ans 6€, moins de 18 ans gratuité

- Publication : Nehmé Laïla dir., Catalogue.- Paris, 2019, IMA/Electre, 144p., 28,50€

- Autour de l'exposition : Visites guidées, visites ateliers en famille, animations diverses, consulter le site de l'Institut.