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Expositions

 

 

 

 

Georges Michel

Le paysage sublime

 

 

 

 

La Fondation Custodia, après le monastère royal de Brou dans la banlieue de Bourg-en-Bresse consacre une exposition à un personnage singulier, le peintre Georges Michel (1763 – 1843), dont les compositions, plus de deux milliers de toiles, se trouvent aujourd'hui dans les plus prestigieuses collections du monde.

 

 

Tous les jours, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il gèle, en été comme en hiver, au printemps et en automne, sous un soleil de plomb ou au contraire sous une brise délicieuse, monsieur Michel (1763 - 1843) sortait de chez lui accompagné de son épouse. Harnaché de tout le matériel nécessaire, il allait peindre sur le motif non loin de sa maison, sur la butte Montmartre, encore campagnarde ou dans les plaines de Saint-Denis ou du Nord de Paris, alors quasiment désertiques, dédiés qu'elles étaient au maraichage. C'était un original ce monsieur Michel, il peignait comme cela, pour lui et non pour les vendre, de petits tableaux sur papier que l'on marouflait sur une planche de bois pour leur donner un apprêt définitif. Il dessinait aussi d'abondance sa ville, Paris, son quartier, Motmartre. Ces moments, racontés pas sa veuve trente ans après le décès de son époux et qu'aucun document ne vient étayer, ont-ils réellement existé ? Au fond qu'importe ! Car ces souvenirs, même très enjolivés, rendent bien l'originalité d'un artiste dont on commence à comprendre l'importance dans l'art du paysage en France : il fut l'un des premiers à peindre sur le motif, le seul qui fuyant toute anecdote se consacre au paysage dans son entièreté. Il est un des chaînons qui marque le passage de la peinture en atelier vers la peinture de plein air.

 

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Le portrait qui est décrit au-dessus s'applique surtout aux dernières années du paysagiste, car si l'homme s'était retranché de la communauté des artistes dans ses vieux jours, il était loin d'être incompris et méconnu. Il eut des amis peintres, des mécènes et exposa régulièrement au salon, avec des fortunes diverses, de 1791 à 1814. Il entretint des liens d'amitié avec les paysagistes Lazare Bruandet (1755 – 1804), Jean-Louis Demarne (1752 – 1829) et Jacques Swebach-Desfontaines (1763 – 1823). Ces noms ne diront pas grand chose, même à l'homme cultivé d'aujourd'hui, mais ce sont eux, avec Léopold Boilly dans la scène de genre, qui ont développé en France une certaine peinture bourgeoise, intime, sans prétention sous l'influence de l'art nordique. à vrai dire on possède fort peu de renseignements exacts sur la carrière de Georges Michel, peu de documents d'archives, peu de témoignages de contemporains et l'essentiel se ce que l'on sait repose sur les souvenirs de sa veuve qui ont alimenté l'ouvrage de son premier biographe Alfred Sensier.

 

Georges Michel est né en 1763 dans la moyenne bourgeoisie parisienne, il aurait effectué son apprentissage chez le peintre Leduc, professeur adjoint à l'Académie de Saint-Luc. Il entra dans divers ateliers et aurait été le collaborateur de Carle Vernet et de Claude-Nicolas Taunay, ce dernier, bien oublié aujourd'hui, était considéré comme le meilleur paysagiste de l'époque. Il aurait aussi connu le marchand de tableaux Lebrun, l'époux de Mme Vigée Lebrun, pour lequel il aurait effectué des restaurations de toiles du siècle d'or hollandais, voire en aurait exécuté des copies. Il aurait effectué, quelques années plus tard, le même travail pour Vivant-Denon et son Muséum, ancêtre de notre Louvre. Beaucoup de conditionnel dans ces renseignements mais il est indéniable qu'il avait acquis une connaissance intime des peintres du Nord et que ces derniers influencèrent durablement sa production au point d'y gagner le surnom de « Ruysdael de Montmartre ». Quelques toiles de ce dernier maître et de ses contemporains, la gravure des Trois Arbres de Rembrandt, exposés ici le démontrent brillamment. Le Paysage des environs de Chartres, avec son premier plan sombre et le rayon de soleil illuminant un champ de blé sur fond de ciel nuageux, doit tout à Coup de soleil de Ruysdael conservé au Louvre. Il utilisera le procédé dans plusieurs toiles.

 

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Ce qui fait la spécificité des paysages de Georges Michel, ce qui a assuré sa renommée après sa mort, ce sont les ciels, des ciels immenses qui mangent tout l'espace de la toile et dont la dramaturgie transforme une réalité souvent prosaïque et limitée en d'étonnantes scènes où s'affrontent on ne sait quelles forces obscures. En effet que montre-t-il ? Des moulins, ils abondent à Montmartre et dans le nord de Paris, des masures mal entretenues, de grandes étendues vides peuplées de rares et minuscules personnages, des médiocres accidents de terrains et dans le lointain des barrières de collines. Rien qui ne distraie le regard de l'essentiel, la lumière, le jeu fugace des nuages, la fureur des éléments, le Sublime pour employer le langage de la fin du XVIIIe siècle. Tout cela avec une liberté de touche et de couleurs qui surprend. Il emploie une matière souvent épaisse à la différence de ses contemporains qui privilégiaient une facture lisse, porcelanée, il lui arrive de zébrer la toile de trainées nerveuses, il ne recule pas devant une certaine maladresse expressive. Et c'est ce supplément d'âme qui a plu à tant d'artistes comme Vincent Van Gogh et tant d'autres amateurs.

 

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Ce fut aussi un dessinateur fécond et la salle consacrée à son œuvre graphique est une découverte. Il faut cependant passer rapidement devant les vues de Paris et de ses environs à la perspective impeccable, les portraits d'arbres minutieusement observés et finement aquarellés, les paysages boisés... C'est charmant mais à une époque où tout le monde dessinait, bien force est de constater qu'il ne fait pas mieux, pas plus mal non plus, que ces contemporains. Il faut regarder plus longuement les carnets où sur du papier bleu il note ce qu'il rencontre, une église, quelques maisons, des moulins, des paysages plus dégagés et même quelques silhouettes humaines, quelques animaux. Les thèmes de ses tableaux... Mais il y a ici une liberté totale, une poésie naissant du « sfumato » du à un usage quasi pictural de la pierre noire. Quelques feuilles où sous un griboullis se devine un arbre, la course échevelée de nuages, stupéfient par leur liberté et leur modernité.

 

Il est à espérer que cette belle rétrospective remettra à sa place un créateur singulier dont, malheureusement, les œuvres sont plus entreposées dans les réserves des musées qu'exposées sur leurs cimaises.

 

 

Gilles Coÿne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Georges Michel, Paysage près de Chartres, huile sur panneau, 38X54 cm., Bayeux, musée du Baron Gérard, Photo dist. RMN/Grand Palais/ Alain Basset

- Georges Michel, Paysage orageux, huile sur papier marouflée sur toile, 51,8X67 cm., Lyon musée des Beaux-Arts, photo Alain Basset

- Georges Michel, Paysage, fusain et estompe, 412X516 mm.New Haven, Yale University Art Gallery.

 

 

 

 

 

 

Georges Michel, le Paysage sublime

27 janvier – 29 avril 2018

Fondation Custodia

121, rue de Lille, 75007, Paris

Tél. : 01 47 05 75 19

Internet : www.fondationcustodia.fr

Horaires et tarifs : ouvert tous les jours sauf le lundi de 12h à 18h. 10€ et 7€, tarif unique donnant droit à la visite des trois expositions : Georges Michel, Portraits miniatures de la Fondation Custodia, Art sur papier, Acquisitions récentes.

Publication : Catalogue, sous la direction de Magali Briat-Philippe et Get Luijten. - Paris, 2017, Fondation Custodia, 208 p., nombreuses illustrations en couleurs, 29€