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Expositions

 

 

 

 

 

Le pouvoir des fleurs,

Pierre Joseph Redouté (1759 – 1840)

 

 

 

 

 

«  Il était dans une contemplation muette et presque solennelle en présence de ses divins modèles, il avait peur de les ternir, même d'un souffle, il les appelait les étoiles de la terre. » Tel était le Belge Pierre Joseph Redouté (1759 - 1840), peintre spécialisé dans la représentation des plantes qui fit l'essentiel de sa carrière en France. Le musée de la vie romantique a organisé autour de cet artiste que ses contemporains avaient nommé le Raphaël des roses une exposition sur les plantes et leur représentation à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Le sujet, qui peut paraître un peu léger à première vue, est en fait extrêmement sérieux car chez Redouté comme chez ses élèves et ses contemporains la recherche esthétique se doublait d'une exigence scientifique rigoureuse. Art est science ne se concevaient pas l'un sans l'autre. Que ce soit sur un bijou, une assiette, une pendule, un coffret ou sur un papier peint, tous artefacts exposés ici, ce souci d'observation ne quitte jamais artistes et décorateurs. Une exposition jumelle « à fleur d'Atelier », réunit quelques créateurs contemporains dont les production peuplent la maison, la véranda, le jardin. Ces artistes s'exprimant à travers un végétal totalement imaginaire, ont créé un monde bizarre qui exprime les interrogations d'aujourd'hui. Démarche inverse de celle du temps de Redouté...

 

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La bibliothèque, ancien atelier de Ary Scheffer, que hantent encore les ombres de l'intelligentsia romantique avec ses murs rouge sombre, son grand piano, ses vitrines aux verres imparfaits, son grand poêle au centre le l'espace expose une série de peinture de l'époque où les fleurs tiennent un rôle important. Cela va de la petite toile mi allégorie mi portrait que Prud'hon consacre au Roi de Rome au panneau, d'un érotisme sournois, de François Gérard, Flore caressée par Zéphyr... Une toile domine cette réunion de par sa qualité et son étonnante présence la Corbeille et vase de fleurs de Gérard Van Spaedonck, aujourd'hui au Louvre, elle fut très célèbre à l'époque et très admirée : sur un piédestal orné de bas-reliefs antiques – néoclassicisme oblige – une réunion de fleurs à leur pleine maturité déborde en cascade vers un vase de bronze que Thomire aurait bien pu ciseler. Sur la table de marbre rouge une branche de lilas attend que l'on l'insère dans la composition. Superbe fouillis organisé, touffu mais lisible, l'œuvre est comme le testament d'une tradition : le genre de peintures de fleurs, qui depuis le XVIe siècle était un chapitre de la nature morte ; il trouve ici un superbe et ultime sursaut. On continuera à peindre des fleurs certes mais dans un tout autre esprit.

 

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Pierre Joseph Redouté naît en Belgique (1759) dans une famille d'artistes. Il fait une carrière honorable dans son pays auprès de commanditaires religieux ou nobles dans les Ardennes, en Flandres et au Luxembourg. Une toile de cette période, venant de Namur, Vierge pastourelle assise dans une guirlande de fleurs, peinte avant son arrivée à Paris en 1783 montre un artiste qui s'inscrit dans la pure tradition flamande. Ce genre de tableaux, que ne dédaignaient pas les plus grands – Rubens et Van Dyck en ont peint – pouvaient même faire l'objet d'une collaboration entre le spécialiste des fleurs et un autre des figures. Quand à 24 ans le jeune artiste s'installe à Paris, il jouissait déjà d'une bonne réputation. C'est un peu par hasard qu'il va se spécialiser dans le genre qui nous paraît aujourd'hui un peu mineur mais qui va lui assurer la gloire : celui de la représentation des végétaux.

 

Très rapidement il se fait un nom dans la capitale : en 1787, le naturaliste Charles Louis l'Héritier de Brutelle l'appèle à Londres, séjour de quelques mois où il découvre tout un monde celui de la recherche scientifique et son exigence d'exactitude. De retour à Paris il devient membre de la société linnéenne (de Linné le naturaliste suédois qui a proposé une classification du végétal en usage encore aujourd'hui) et Van Spaedonck se décharge sur lui de l'obligation de livrer chaque année vingt aquarelles de végétaux sur vélin. Ces « Vélins du roi », feuilles luxueuses patiemment collationnées chaque année depuis Louis XIV enrichissaient la collection du Museum d'histoire naturelle de Paris où ils se trouvent encore aujourd'hui. Les Vélins comme sont des peaux de veaux mort-nés, longuement travaillées pour leur donner une souplesse et une finesse inégalées. C'est un support magnifique pour le dessin au trait et pour l'aquarelle. Redouté se détache de ses contemporains par des planches où la poésie naît d'une attention méticuleuse à la réalité doublée d'une mise en scène subtile et innovante et de couleurs éclatantes : voir la superbe planche du Cactus cachenilifer où la plante est dessinée en gros plan. On remarquera comment la manière de la faire sortir du cadre amplifie son étonnante présence.

 

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Redouté connaîtra la Révolution, l'Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet sans que cela trouble en rien sa carrière, ni que l'on sache ce qu'il a pensé des événements. Il servira avec un égal dévouement Marie-Antoinette et l'impératrice Joséphine, comme les Bourbons à leur retour. Il eut la chance de vivre à Paris au moment où la ville était le centre mondial de la recherche. Joséphine fit appel à lui pour dessiner et publier les plantes qu'elle collectionnait et faisait venir du monde entier, cela a donné naissance à un luxueux album gravé en couleurs, premier d'une longue série qu'il publiera jusqu'à sa mort et qui finiront par le ruiner. Il fit une carrière officielle médiocre en contraste avec l'incroyable renommée qui fut la sienne de son vivant. Il exposait régulièrement au salon où les critiques dans leurs comptes-rendus ne tarissaient pas d'éloge sur sa production, il y tentait de rivaliser à l'aquarelle avec les peinture à l'huile. Les quelques exemplaires de cette production qui enchantait alors nous paraissent moins convaincants aujourd'hui. C'est qu'il ne sut pas résister au plaisir de montrer sa virtuosité et multiplie les difficultés ceci aux dépends de la clarté et de l'équilibre du tableau. Il oublie quelque peu les principes qu'il édictait lui-même : « Le peintre doit parvenir pour aboutir à la perfection de l'iconographie végétale, à la réunion trois éléments essentiels : l'exactitude, la composition et le coloris. » Tel fut un homme modeste sympathique et qui mérite bien l'hommage tardif que lui consacre le charmant musée de la rue Chaptal en plein cœur de ce qui fut en son temps la « Nouvelle Athènes ».

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

- Antoine Chazal (1793 – 1854), Hommage à Gérard Van Spaedonck, 1830. Roubaix, La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie André Diligent, ©, Musée de la Piscine, Roubaix.

- Pierre Joseph Redouté : Cactus Cochenillifer (planche 39 destinée à Plantum succulentarum historia) publié à partir de 1797/8, © Museum d'histoire naturelle, Bibliothèque centrale.

- Pierre Joseph Redouté, Fritilliaire impériale tirée de Les Lilliacées 1802 – 1816, ©, Muséum d'histoire naturelle, dist. RMN

 

 

 

 

 

 

Le Pouvoir des fleurs

Pierre Joseph Redouté (1759 – 1840)

Un parcours contemporain des métiers d'art

18 avril – 29 octobre 2017

Musée de la Vie romantique

Hôtel Scheffer – Renan

16, rue Chaptal, 75009 Paris

- Tél. : 01 55 31 95 67

- Horaires et tarifs : du mardi au dimanche de 10h à 17h40 ; gratuit pour les jeunes jusqu'à 17 ans, 8€ et 6 €.

- Publications : Catalogue, relié et le dos rond, 152p. et 120 illustrations, 29,90€ ; pour les enfants : Le Papillon et la rose thé, imagier botanique de Pierre Joseph Redouté, imaginé et animé par l'Atelier SAJE, 32p., 18,5€.