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Expositions

 

 

 

 

 

 

Bon Boullogne (1649 – 1717)

un chef d'école au Grand Siècle

 

 

 

 

 

À fréquenter les plus grands, les plus nobles qui firent du « Grand Siècle » une des périodes les plus glorieuses de l'histoire de la peinture française, on pourrait oublier que l'art peut se situer à des sommets moins hautains, plus humains pour tout dire. L'un des charmes de la pertinente exposition organisée le musée Magnin à Dijon est de nous faire découvrir un artiste confidentiel aujourd'hui mais célèbre en son temps, Bon Boullogne qui loin des froides grandeurs d'un Le Brun ou de l'intellectualité du Poussin, voire du coloris chaleureux d'un Rigault, fut un peintre sensible et aimable qui sut donner de la religion et de la mythologie une image moins intimidante. Son art qui allie le sensualisme italien à la retenue du grand siècle est annonciateur du brillant XVIIIe siècle qui vit l'art français occuper la première place en Europe.

 

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Bon Boullogne est né dans une famille d'artistes. Son père peintre et graveur, co-fondateur de l'Académie royale de peinture et sculpture assura sa première formation ; son frère, ses sœurs, pratiquaient eux aussi la peinture. Il est sans doute celui qui a le mieux réussi, qui a su le mieux s'adapter au goût de l'époque. À l'âge de vingt ans il obtint une bourse pour séjourner à Rome et parfaire ainsi sa pratique. Sa réussite est certaine et il se retrouve à la tête d'un atelier prospère où se pressent les élèves dont certains atteindront la célébrité et, disons-le franchement, le dépassent tant par leur personnalité que par leur talent.

 

wp_20150201_032 - copieBon Boullogne travaille pour le Roi, pour l'église et pour les riches amateurs. De son œuvre décoratif il ne reste pas grand chose en dehors des peintures pour la chapelle royale des Invalides à Paris et celle de Versailles. L'exposition se cantonne donc, par la force des choses, aux tableaux de chevalet. Les organisateurs ont eu l'excellente idée d'exposer aussi quelques échantillons de ses élèves les plus connus ; la confrontation ne tourne pas toujours en faveur du maître, car il faut bien avouer une certaine déception en visitant cette réunion : nous voyons d'élégants personnages s'agiter selon une rhétorique soigneusement codée : des amours potelés à souhaits aident une Vénus de boudoir dans sa toilette, une Diane entourée de compagnes pas si affolées que cela d'être surprises au bain par Actéon, enfin tout un monde élégamment habillé ou déshabillé à la gestuelle convenue, s'agitant dans des décors non moins conventionnels, tout cela relève plus du théâtre que de l'observation de la réalité. Ne parlons pas de la peinture religieuse à la religiosité douceâtre avec ses Vierges pâmées, ses Jésus angéliques ou douloureux, ses Religieux aussi austères que pénétrés de leur sacerdoce, tout ce monde levant les yeux au ciel avec application... Quant aux portraits, mais là c'est la loi d'un genre où le noble le dispute au décoratif, ils ne dépassent pas une honnête moyenne - tout le monde n'est pas Hyacinthe Rigault pour allier pénétration psychologique et grand arroi de draperies et d'objets allégoriques. Où est l'émotion dans tout cela ? Bon Bollogne livre une peinture convenable à un public d'amateurs cultivés ; il faut signaler qu'il fut, comme tant de peintres classiques, un talentueux dessinateur.

 

Cependant, à l'encontre de ce jugement peut-être trop sévère, il faut reconnaître aussi quelques réussites sortant du lot. Le Saint Bruno en prière du musée des beaux-Arts de Lyon, où l'artiste se souvient peut-être de la fameuse toile de Pier Francesco Mola qu'il aurait vu lors de son voyage en Italie, est un tableau frappant. La robe blanche du moine en prière est d'une grande habileté et fait un contraste puissant avec le fond sombre des rochers ; quant au crâne situé juste en dessous du visage, et dans une position identique, c'est une belle trouvaille ; le paysage que l'on aperçoit dans les échancrures de la grotte est convainquant. Son Saint Jean Baptiste du musée des Augustins de Toulouse possède une certaine puissance sauvage ; il fut d'ailleurs longtemps attribué à Nicolas Poussin. Enfin dans le registre de la peinture mythologique la Vénus sur les eaux du musée Magnin est une belle composition aérée, parfaitement équilibrée, aux tons saturés. Le corps de la déesse, souple et mince tranche avec ce qui se faisait à l'époque.

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Bon Bollogne fut un aimable caméléon, sensible à de multiples influences, ce qui ne favorise pas le travail de François Marandet spécialiste de son œuvre, auteur du catalogue et qui a entrepris de reconstituer sa production. Le peintre poussa parfois ce goût de la citation jusqu'au pastiche : La diseuse de bonne aventure, malheureusement non exposée ici, ressemble à un tableau flamand et serait impossible à attribuer à l'artiste, s'il ne portait pas sa signature. Jeu? Goût du lucre (il finira très riche)? Envie de renouvellement? Qui peut le dire? En tous les cas ce jeu de dédoublement démontre une personnalité plus complexe qu'il n'apparaitrait au premier abord.

 

Bon Boullogne fut le produit d'une culture académique à une époque où se fondaient justement les académies en France et à ce titre il reste un excellent témoin du goût de son époque. Ne fut-il que cela? Il serait injuste, en conclusion, de ne pas reconnaître son charme et la chaleur de son coloris qui tempèrent quelque peu un jugement peut-être trop sévère.

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Naissance de Vénus, huile sur toile, Dijon, musée Magnin © RMN-Grand Palais, Stéphane Maréchalle

Double académie d'homme, craie noire et rehaut de blanc sur papier brun, Avignon, musée Calvet © musée Calvet

Saint Bruno en prière, huile sur toile, Lyon, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts de Lyon, photo de Alain Basset

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bon Boullogne, un chef d'école au Grand Siècle

5 décembre 2014 – 5 mars 2015

Musée Magnin

4, rue des Bons-Enfants

21000 Dijon

- internet : www.musee-magnin.fr

- Horaires et tarifs : Tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h, sauf le lundi. Tarifs : 5,5€, 4,5€ tarif réduit. Gratuité » tous les premier dimanches du mois et pour les moins de 26 ans (ressortissants de l'UE ou en long séjour en UE.

- Publication : catalogue par François Marandet, éditions de la RMN/Grand Palais, 144p., 125 illustrations, 35€.

- Activités pédagogiques : visites commentées, en langages des signes et pour les déficients visuels ; ateliers adultes, ateliers pour enfants.