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Expositions

 

 

Mayas

Révélation d'un temps sans fin

 

 

proddg04314-1 - copie 2Pour présenter la civilisation maya, une des plus raffinées de l'Amérique précolombienne, les organisateurs de l'exposition du musée du quai Branly ont choisi un itinéraire sinueux débouchant sur un espace central censé représenter le cœur d'une cité. On peut regretter qu'ils n'aient pas adopté le parti de la superbe exposition consacrée, quelques années avant, à Théotihuacan qui s'organisait autour de la maquette du vaste ensemble central de le métropole avec ses pyramides, ses temples, ses palais et leurs annexes, ensemble typique des capitales méso-américaines. Il est vrai que le monde maya, à la différence du monde de Théotihuacan, son contemporain, ne fut jamais un empire centralisé, doté d'un art intégré, mais plutôt une galaxie de cités, plus ou moins vastes, plus ou moins puissantes, jalouses de leur indépendance et de leur originalité, mais qui partageaient une même culture, parlaient une même langue officielle, vénéraient les mêmes dieux. Comment ne pas penser aux états-cités de la Renaissance italienne ou à la « polis » grecque? Dans ces conditions, quelle cité choisir qui soit exemplaire? Cependant, ne boudons pas notre plaisir devant un rassemblement d'œuvres superbes qui décline dans la pierre, le stuc, l'argile, les pierres semi précieuses, une esthétique déroutante mais envoutante.

 

maya_nch_1102-1 - copieLe monde maya s'étendait sur tout le sud du Mexique, le Yucatan, le Guatemala, le territoire de Bélize et une frange du Salvador et du Honduras. Espace varié avec des régions montagneuses, des plaines côtières, une forêt tropicale et les solitudes arides du Yucatan. Ce peuple qui, techniquement, se situait au niveau du néolithique de l'ancien monde sut s'adapter à des environnements aussi différents et développer une civilisation originale. Les Mayas inventèrent une écriture compliquée, un comput extrêmement précis – plus que le nôtre - basé sur les cycles du soleil, de la lune et de plusieurs planètes qui a permis aux archéologues, quand ils purent en déchiffrer les signes, de dater certains événements au jour près. Ils élaborèrent aussi une théogonie dont la complexité n'a d'égale que la cruauté. Car, contrairement à ce que l'on a longtemps pensé – traditionnellement, on les voyait alors comme un peuple pacifique conduit par des chamans philosophes - la guerre de tous contre tous était endémique, leur culte sans atteindre le degré d'horreur des Aztèques quelques siècles plus tard était sanglant. La torture et les sacrifices humains étaient monnaie courante. Non seulement on sacrifiait les vaincus de la guerre en les soumettant à d'invraisemblables tourments puis en leur arrachant le cœur au cours des cérémonies religieuses mais encore la violence était présente dans la cité : le jeu de pelote dont le peuple était friand – chaque cité possédait son terrain de jeu – finissait tragiquement (à nos yeux bien entendu). Le chef de l'équipe perdante était exécuté (d'aucuns prétendent que l'on faisait cet honneur au vainqueur qui rejoignait ainsi le monde des Dieux) ; quant aux élites elles pratiquaient l'auto sacrifice, un rite que l'on a du mal à imaginer aujourd'hui. Le Panneau de l'autosacrifice de Palenque (Chiapas) qui ouvre l'exposition est représentatif de ces pratiques. On y voit le roi Pakal (un personnage assez connu dont plusieurs portraits émaillent l'exposition), au centre de la composition, offrant un aiguillon de raie à son petit fils pour qu'il se perce la langue avant de faire défiler dans la blessure une cordelette ornée d'épines, ce dernier s'inclinant devant être surnaturel, de l'autre côté du souverain une scène symétrique a pour protagoniste le frère cadet. La cruauté de la scène rend encore plus surprenante l'élégance du panneau, finement dessiné en lignes contrastées aux reliefs subtils, il a été créé pour l'édifice XXI du site inauguré le 9 juin 736 après J.-C.

 

maya_nch_2526 - copieIl faut distinguer l'art officiel des Mayas d'une production destinée à un usage plus personnel : essentiellement une production céramique, pots cylindriques, coupes, récipients qui affectent souvent une forme animale, tous objets destinés à la classe supérieure, ils sont d'une charme certain. On les a retrouvés dans les tombes bien entendu mais aussi dans les salles des palais. Les artisans mayas ignoraient le tour, ils ont su cependant donner une certaine régularité à cette vaisselle aux parois assez épaisses mais ornée de couleurs chaudes, un rouge orangé typique, un noir, un blanc, plus rarement un jaune lumineux, contrastant avec le fond de la terre cuite. Cette production s'orne de représentations animales ou humaines, de scènes à plusieurs personnages, de bandeaux épigraphiques de glyphes, toujours disposés avec un sens certain de l'équilibre entre les pleins et les vides. Scènes dessinées au pinceau, mais aussi au sgraffito ou par évidement de la couche superficielle comme un bas-relief. Le dessins est vif, incisif, toujours juste, sa sureté fait penser à celle des céramistes grecs. On remarquera le deux croquis prestement enlevés par le stylet sur les briques encore crues trouvées à Comalcalco. On sera enfin séduit par les nombreuses statuettes représentant animaux comme personnages, les exemplaires les plus aboutis venant de l'île de Jaïna, dont on admirera le travail de modelage, la ponctuation du pastillage pour évoquer les détails des vêtements et des bijoux, la discrète polychromie.

 

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Pour l'art monumental de la cité, force est de se contenter de photos et d'éléments arrachés à leur contexte. Il en est de même pour les fresques. Le Mayas travaillaient la pierre volcanique ou calcaire mais aussi le stuc. C'est dans cette dernière matière que sont modelées trois œuvres remarquables, sans doute les plus belles de l'exposition : le double portrait de Pakal, dans sa jeunesse et dans son adolescence et surtout le beau visage grave de Palenque imaginé par un génie anonyme. Cette dernière œuvre, appartient sans conteste au groupe très rare des chefs-d'œuvre de l'humanité : la plénitude des formes, leur stylisation élégante, leur plasticité font de cette tête une apparition qu'il est difficile d'oublier. L'intériorité de l'expression ne cache pas un certain désenchantement. Sans doute la force de ce visage vient-elle de ce qu'il apparaît isolé du contexte foisonnant qui devait l'accompagner à l'origine. Car l'art officiel maya est d'essence baroque et n'évite pas la surcharge, du moins à nos yeux. La figure humaine, que ce soit un prisonnier en attente du sacrifice de certains bas-relief ou les stèles (absentes de l'exposition car intransportables), les stucs muraux, ou les grands encensoirs pour le copal, tout un monde de représentation symbolique décore l'œuvre, voire la noie. Cela dit, l'esthétique des Mayas obéissait à d'autres règles que les nôtres, règles à la symbolique complexe qu'il faut déchiffrer pour en comprendre la portée.

 

maya_img_9180 - copieLe développement de la civilisation des Mayas se déroule pendant une longue période de plus de trois mille ans : leurs descendants sont encore présents aujourd'hui. La civilisation des cités se déroule en trois grandes périodes : le pré-classique de 300 av. J.-C. À 250 après, puis le classique ancien de 300 à 600, le classique récent – l'apogée – de 600 à 900, enfin le post-classique. Quand les Espagnols arrivèrent dans le Petén et le Yucatan à la fin du XVIe siècle, les villes et les villages étaient encore en pleine activité. Durant ces millénaires, les cités naissent, disparaissent, sans que l'on connaisse toujours les raisons de leur décadence et de leur fin. Elles semblent avoir été abandonnées de leurs habitants et le mystère de leur disparition et de leur engloutissement dans la forêt tropicale n'est pas une des moindres raisons de la fascination que ces peuples exercent encore aujourd'hui.

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

Masque funéraire avec ornement d'oreille et coiffe, jade et coquillage, tombe 1 de la structure III, Calakmul, Campeche, Mexique, © Museo Regional de fort San Miguel, Campeche, Mexique, photo prise à l'exposition par Gautier Deblonde

Figure féminine, classique récent (600-900 apr. J.-C.), île de Jaina, Campeche © Museo Nacional de Antropologia, Mexico, Mexique, coll. Stavengen, photo Igniacio Guevara.

Vase tripode polychrome, Classique récent (600-900 apr. J.-C.) ©, Museo regional de antropologia, Carlos Pellicer, Villa Hermosa, Tabasco, Mexique, photo Ignacio Guevara.

Monument 114 de Tonina, Chiapas, Le seigneur de Palenque captif pendant le guerre entre les deux villes, 26 août 711, Classique récent (600-900 apr. J.-C.) © Museo Nacional de Antropologia, Mexico, Mexique, photo Ignacio Guevara.

Écuelle de Becan, Classique ancien (250-600 apr. J.-C.), © Museo Regional de fort San Miguel, Campeche, Mexique, photo Ignacio Guevara.

 

 

 

 

 

 

 

Mayas,

révélation d'un temps sans fin

7, octobre 2014 – 8, février 2015

Musée du quai Branly

37, quai Branly, 75007 Paris

Tél. 01 56 61 70 00

Internet : www.quaibranly.fr

Horaires et tarifs : mardis, mercredis et dimanches de 11h à 19h, Jeudis, vendredis et samedis de 11h à 21h ; ouvert les lundis 22 et 29 décembre 2014, fermeture à 18h les jeudis 14 et 31 décembre. Tarifs, 9€ et 7€ (jeunes de 18 à 25 ans originaires de la communauté européenne, enseignants, enseignants, consulter le site du musée) ; billets jumelés avec le musée, 11€ et 9€.

Publication : Catalogue sous la direction de Dominique Michelet, coédition musée du quai Branly/RMN-GP, 384p., 420 illustrations, 49€ ; Hors série, Beaux-Arts magazine, 62p., 9€ ; Mayas, révélation d'un temps sans fin, l'expo.-, coédition musée du quai Branly/RMN-GP, format à l'italienne, 367p, illustrations de toutes les œuvres exposées, 18,50€.

Animation culturelle : visites guidées, ateliers, conférences, contes, activités diverses pour enfants et familles etc. Consulter le site.