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Expositions

 

 

Le Printemps de la Renaissance

La Sculpture et les arts à Florence 1400 – 1460

 

 

 

 

 

03_le20sacrifice20d27isaac_ghibertiLa Renaissance est à l'honneur à Paris : après la belle exposition sur le Rêve et la Renaissance au musée du Luxembourg, le musée du Louvre illustre les débuts de ce mouvement à Florence dans le domaine de la sculpture. Florence, durant les années 1400 à 1460 connaît une période particulièrement faste. La ville, dont l'économie basée sur la banque et l'industrie textile du luxe se développe rapidement, est le lieu d'une révolution culturelle et esthétique qui va irriguer l'Europe. Cette république oligarchique se voit en une nouvelle Rome où intellectuels et artistes élaborent une autre morale civique, une autre conception de l'homme, une autre esthétique que celles qui avaient cours jusqu'alors. La sculpture joue un rôle essentiel dans cette émergence.

 

Rome est une une obsession de ces créateurs qui veulent en ressusciter la grandeur sur les bords de l'Arno. Le chantier de l'énorme dôme de la cathédrale, défi lancé au Panthéon de Rome, prouesse technique qui émerveilla les contemporains, est en voie d'achèvement (il ne sera jamais complètement terminé, la galerie qui fait le tour de sa base ayant été interrompu, comme on peut le constater encore aujourd'hui...). La puissante masse domine la ville et la campagne et rappèle que si Rome est le modèle, ici c'est une Rome chrétienne dont il s'agit.

 

On date le début de la Renaissance en sculpture d'un concours organisé en 1401 pour les portes de bronze du baptistaire de la cathédrale et dont le thème était le Sacrifice d'Isaac. Plusieurs artistes s'affrontent - en réalité tout se joue entre Brunelleschi (l'architecte du dôme, les artistes de l'époque étaient polyvalents ainsi qu'on le dit aujourd'hui) et Ghiberti. Le remarquable est que chacun d'eux – ils étaient très jeunes – va s'inspirer de l'antiquité. Mais alors que Brunelleschi reproduit, en marge de sa composition, une statue antique très célèbre pendant tout le moyen âge le Tireur d'épine, Ghiberti s'inspire pour Isaac d'un torse romain non moins fameux. Ghiberti l'emporta à juste titre car sa composition plus resserrée, plus unifiée est mieux venue et que l'emprunt aux ancêtres romains formant le noyau de la scène n'est pas plaqué arbitrairement en marge.

 

21_vierge20pazzi_donatello_20berlin - copieDonatello domine de haut la manifestation tant par la quantité, plus de douze pièces, que par la qualité de ses sculptures. Si l'effigie de saint Louis de Toulouse, statue de bronze doré plus grande que nature et aux plis tumultueux peut laisser perplexe avec sa mitre trop grande et les plis du vêtement dans lesquels le corps se perd, le buste reliquaire de saint Rossore lui aussi en bronze doré est une merveille. Saint Rossore était un soldat romain qui fut décapité en Sardaigne à cause de sa foi. Les moines D'Ognisanti à Florence, gardiens de son crâne commandèrent au sculpteur un reliquaire. Donatello renouvelle une formule, courante au moyen âge, en réalisant le portrait finement ciselé d'un personnage que l'on pourrait croiser dans la rue. L'effigie est si vivante, malgré son air songeur, que l'on y a parfois vu un auto-portrait.

 

L'un des grands chantiers de Florence à cette époque est celui d'Orsanmichele, l'église des corporations. Les murs du bâtiment, de forme très simple, sont scandés de grandes niches, ou tabernacles, pour laquelle chaque corporation commandait aux sculpteurs de la ville la statue de son saint patron. Ce fut une sorte de concours permanent, chaque nouvelle œuvre étant abondamment commentée et comparée aux autres. Deux de ces statues se font face ici, le saint Louis de Toulouse évoqué plus haut et le saint Matthieu de Ghiberti, un grand bronze, discrètement souligné d'or et d'argent, de deux mètres soixante-dix. L'évangéliste élégamment drapé dans une toge se dresse, tel un rhéteur antique montrant de la main le livre où il décrit la vie du Christ. On se croirait devant une statue romaine n'était une finesse et une élégance typiques de la Florence d'alors.

 

Les emprunts aux Grecs et aux romains sont multiples : victoires, transformées en anges que l'on retrouve sur le reliquaire de bronze créé par Ghiberti, amours ornant coffrets, chapitaux et fontaines : un ancêtre du Manneken Piss de Bruxelles du à un collaborateur de Donatello, ornait un bassin. Ces spiritelli, si charmants, si espiègles – voir les deux porte-flambeaux du musée Jacquemart-André - envahiront l'Europe entière où ils finiront leur carrière dans les boudoirs des marquises et des danseuses du XVIIIe siècle...

 

28_marietta20strozzi_desiderio20da20settignano_20berlin - copieOn remarquera les deux spectaculaire poitrails et têtes de chevaux en bronze, l'un antique, l'autre modelé par Donatello pour une colossale statue équestre du roi de Naples Alphonse V. Avec les effigies des condottiere Gattamelata à Padoue, également due à Donatello, et Colleone à Venise de Verrochio - absentes de l'exposition et pour cause - c'est encore avec la sculpture romaine que les artistes florentins se mesurent (le Marc Aurèle de Rome).

 

Les artistes ne répondaient pas qu'à des commandes pour la ville ou pour les princes, leur clientèle se composaient aussi de simples citoyens : portraits, blasons, petites pièces de dévotion, objets de luxe... en marbre, en bronze mais aussi terre cuite polychromée. Ils inventèrent même le concept de multiple en reproduisant par moulage certaines pièces populaires. Là encore Donatello brille pas deux compositions exceptionnelles qui furent ainsi reproduites : La Vierge à l'enfant en marbre du musée Bode à Berlin, où mère et fils s'étreignent de manière quasi fusionnelle, celle du musée du Louvre en terre cuite polychrome où tous deux ont le regard tourné vers l'extérieur avec une expression pensive voire douloureuse, comme s'ils entrevoyaient le destin tragique du Christ ; signalons aussi les terres cuites vernissées des Della Robbia.

 

Une série éblouissante de bustes clôture l'exposition. Drapés à l'antique, revêtus de cuirasses romaines, ces personnages à la fois réalistes – l'artiste n'épargne parfois aucune disgrâce – et stylisés avec élégance forment comme une cohorte étonnamment vivante : particulièrement deux œuvres de Desiderio da Settignano, l'effigie de la charmante Marietta Strozzi, et celle, en terre cuite colorée, de Niccolò da Uzanno.

 

30_niccolo20da20uzzano-1 - copieIl semblerait que la sculpture ait joué un rôle moteur dans le développement de le nouvel art renaissant et qu'elle ait influencée la peinture. Quelques fresques et panneaux scandant le parcours en font la démonstration depuis le beau fragment de Giotto en début, jusqu'aux grandes figures d'Hommes et Femmes illustres d'Andrea del Castagno.

 

Ajoutons pour terminer que ce parcours dans les salles d'exposition du Louvre mettent particulièrement en valeur des œuvres qui ont besoin souvent de plus d'espace que ne peuvent leur offrir les salles des musée ; de surcoit le décor les écrase souvent. Songeons au musée Bode de Berlin, et même aux anciennes écuries de Napoléon III du Louvre, comme pourra le constater le visiteur des salles de la collection toutes proches...

 

Gilles Coyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Lorenzo Ghiberti, Le Sacrifice d'Isaac (1401), Florence, Musée National du Bargello © LorenzoMennonna, courtesy of italian Ministery for Cultural Heritage ans Activities

2 - Donatello, Vierge et l'enfant, Madonne Pazzi, Berlin Musée Bode © Skulpturensammlung und Museum für byzantinische Kunst Staatliche Museen zu Berlin - Preuβischer Kulturbesitz / Antje Voigt

 

3 - Desiderio da Settignano, Marietta Strozzi (vers 1464), Berlin Musée Bode © Skulpturensammlung und Museum für byzantinische Kunst Staatliche Museen zu Berlin - Preuβischer Kulturbesitz / Antje Voigt

4 - Desiderio da Settignano, Niccoló da Uzzano (vers 1450 - 55), Florence, Musée National du Bargello © LorenzoMennonna, courtesy of italian Ministery for Cultural Heritage and Activities

 

 

 

 

 

 

Le Printemps de la Renaissance

La sculpture et les arts à Florence 1400 – 1460

26 septembre 2013 – 6 janvier 2014

Musée du Louvre

Hall Napoléon

Tél. : 0140205317

Horaires et tarifs : tous les jours sauf mardis, de 9h à 18h, nocturnes merc redis et vendredis jusqu'à 21h30. Tarif, 13€.

Publications : Catalogue de l'exposition sous la direction de Marc Bormand et de Béatrice Paolozzi Strozzi, 552p., 45€ ; Album de l'exposition, 48p., 8€. Parcours enseignants, document à télécharger.

Autour de l'exposition : salle audiovisuelle, tous les mercredis de 10h à 20h, Donatello, le premier sculpteur moderne, réalisation Ann Turner, 1986, 60 minutes. Colloque Vendredi 6 décembre et samedi 7 décembre, La Sculpture à Florence au XVe siècle et ses fonctions dans l'espace urbain.